Les restrictions légales imposées aux jeunes Chinois, en termes du nombre d’heures qu’ils peuvent consacrer, par jour, à jouer aux jeux vidéo, pourraient être moins efficaces que prévu, selon ce qu’indique une nouvelle étude.
Pour faire la lumière sur l’efficacité de cette politique récemment annoncée par Pékin, une équipe de chercheurs sous l’égide de l’Université de York ont analysé les données de plus de sept milliards d’heures de jeu provenant de dizaines de milliers de titres, en s’appuyant sur plus de deux milliards de comptes existants en Chine, où des restrictions sont en place depuis 2019 pour limiter le temps passé par les jeunes devant des jeux vidéo.
L’équipe de recherche n’a toutefois pas trouvé de preuve indiquant une diminution de l’ampleur des séances de jeu après l’entrée en vigueur de ces normes.
À l’échelle planétaire, l’industrie du jeu vidéo a connu, ces dernières années, une très forte hausse de sa popularité, et jusqu’à quatre milliards de personnes joueraient ainsi à au moins un jeu, chaque année.
Dans plusieurs pays, on s’inquiète du nombre d’heures consacrées à ce divertissement par les jeunes, et l’impact potentiel de cette activité sur leur bien-être. En réaction à ces craintes, la Chine a imposé ses premières restrictions aux mineurs, en 2019.
Pékin est l’un des premiers pays à explorer des options légales pour restreindre le temps passé par les jeunes devant les jeux vidéo, avec comme objectif de limiter les risques potentiels pour le bien-être des mineurs, et la politique était perçue comme étant efficace, certaines informations laissant croire que cela permettait de combattre les problèmes liés au jeu.
Selon le Dr David Zendle, « les décideurs politiques de partout dans le monde discutent depuis un certain temps de la façon de comprendre l’impact des jeux vidéo, particulièrement chez les jeunes, et de la façon dont il est possible d’assurer que la relation avec les jeux soit saine. Le gouvernement britannique, par exemple, a récemment publié des normes visant à assurer une recherche scientifique de haute qualité dans le domaine des jeux vidéo et du bien-être, afin d’alimenter le processus décisionnel ».
« Les restrictions, en Chine, nous ont permis d’examiner, pour la première fois, le véritable impact comportemental de la réglementation visant à réduire le temps passé par les gens devant les jeux vidéo, et déterminer si cette politique a eu l’effet désiré. »
« Nous n’avons pas constaté de réduction du nombre de séances de jeu intensives, et d’autres travaux de recherche sont nécessaires pour en comprendre les raisons, mais l’étude souligne certainement que ce genre d’analyse peut être utile pour les décideurs, partout dans le monde, pour aller de l’avant en ce qui concerne les discussions concernant la réglementation des espaces numériques. »
Pour sa part, la Dre Catherine Flick, dit espérer que « les travaux de recherche pourront servir d’étude de cas pour mieux comprendre comment les décisions gouvernementales affectent – ou non – les vies des citoyens à grande échelle, et forment un plan pour mener à une meilleure évaluation basée sur les données, histoire d’obtenir de meilleures décisions en matière de politique publique ».
Aux yeux de Leon Y. Xiao, un autre chercheur impliqué dans l’étude, il est essentiel de s’appuyer sur des travaux de recherche indépendants lorsque l’on évalue les politiques publiques: « En raison de précédentes affirmations selon lesquelles cette politique « a réglé le problème de la dépendance aux jeux vidéo », il est logique, dans un contexte chinois, de vouloir l’étendre à d’autres domaines. En fait, le gouvernement de Pékin effectue présentement des consultations pour limiter le temps d’écran chez les jeunes, bien que les parents puissent outrepasser ces limites. »
« Les résultats suggèrent maintenant que l’efficacité potentielle de telles décisions publiques pourrait bénéficier d’une surveillance de la part de chercheurs non liés à l’industrie et indépendants. »
Enfin, le professeur Anders Drachen a mis de l’avant le potentiel de cette approche basée sur les données lorsque vient le temps d’évaluer des réglementations encadrant le monde numérique. « Il est maintenant possible d’analyser des milliards d’heures de données liées aux comportements numériques, ce qui peut aider à mieux comprendre la façon de concevoir des politiques efficaces dans ce domaine », a-t-il déclaré.