La disparition des grands animaux comme le mammouth a-t-elle été causée par la dernière glaciation, par les humains, ou par un mélange des deux? Dans ce débat qui divise les experts depuis longtemps, des chercheurs européens prétendent pouvoir en attribuer la responsabilité uniquement aux humains.
Alors que les recherches sur ce qu’on appelle la « mégafaune » du passé se sont souvent concentrées sur une seule espèce à la fois — qui est souvent le mammouth — une équipe du Danemark, de Suisse et des Pays-Bas a tenté d’estimer ce à quoi auraient ressemblé les écosystèmes européens, si les Homo sapiens n’étaient pas arrivés dans le décor.
Leur travail, pré-publié le 13 juin, consiste en une modélisation, c’est-à-dire une série de simulations informatiques à l’intérieur desquelles on change les paramètres, jusqu’à ce que le modèle corresponde à la réalité observée sur le terrain. Les paramètres, ici, étant les données climatiques, mais aussi les données fossiles de la distribution géographique d’une cinquantaine de grands mammifères, d’il y a 130 000 ans jusqu’à leur disparition
Il est certain que, avant cette recherche, la balance penchait déjà beaucoup en défaveur de l’humain, la disparition de certains de ces grands animaux correspondant à l’arrivée des Homo sapiens en Australie ou en Amérique. Mais l’arrivée des humains correspond aussi, dans certains cas, à des périodes-clefs de l’histoire des climats, comme la fin de la dernière glaciation, qui aurait pu elle aussi avoir un impact sur les disparitions d’espèces.
Parmi ces espèces dont on entend moins souvent parler que le mammouth et qui peuplaient l’Europe il y a des dizaines de milliers d’années : le rhinocéros laineux, l’éléphant à défenses droites et l’ours des cavernes. La recherche a aussi inclus le castor commun d’Eurasie, qui existe toujours mais dans des populations clairsemées, et l’hippopotame, qui existe toujours, mais bien sûr pas en Europe.
Il reste possible, écrivent les chercheurs sous la direction de Marco Davoli, de l’Université d’Aarhus, au Danemark, que certaines de ces espèces soient disparues à cause de la glaciation ou de la fin de celle-ci, mais seule la présence humaine peut expliquer qu’un aussi grand nombre d’espèces dans un aussi grand nombre d’endroits se soient éteintes.
Et ces disparitions ont eu inévitablement un impact sur les écosystèmes : par exemple, ont estimé d’autres experts, les forêts européennes n’auraient pas été continues mais plus inégales, parce que les très grands animaux créant des éclaircies. Et la fertilité des sols s’est peut-être ressentie de la disparition de ces espèces : par définition, un très grand animal disperse davantage de matières organiques sur un plus grand territoire, par l’intermédiaire de ses crottes. Cette estimation de l’état de la nature « pré-Homo sapiens », toutefois, reste largement à faire.