Imaginez : être enfermé chez soi, sans possibilité de sortir. Cela rappelle quelque chose? Il y a définitivement quelque chose de pandémique dans Inside, un thriller psychologique réalisé par Vasilis Katsoupis et mettant en vedette l’inclassable et le presque immortel Willem Dafoe. Et peut-être quelque chose de messianique, au passage.
Nemo, un cambrioleur que l’on imagine être de haut vol, entre par effraction dans un gigantesque appartement, à l’étage supérieur d’un gratte-ciel new-yorkais, pour s’emparer de toiles de maître. Le hic, c’est qu’un dysfonctionnement du système de sécurité le coince à l’intérieur, derrière une porte infranchissable et des fenêtres qui ne s’ouvrent pas. Du moins, qui ne s’ouvrent pas sans contrôle domotique, qui n’est plus qu’une illusion.
Dans ce gigantesque appartement, donc, notre homme, sans eau courante, sans moyen de communication avec l’extérieur, échafaude toutes sortes de plans pour se sauver – des plans parfois littéralement échafaudés –, ou encore pour sauver son esprit.
Le fait que la température oscille violemment au fil des jours n’aide pas non plus, et Willem Dafoe, dans la plus grande tradition de son jeu toujours aussi dithyrambique, se plaît à jouer un homme qui perd la raison. Dont acte.
Mais au-delà du simple acte de sombrer dans la folie – si tant est que cela est simple – Inside, à ne pas confondre avec le spectacle (ou plutôt la performance) du même nom de l’humoriste Bo Burnham, nous place devant cette réalité dans ce qu’elle a de plus tangible : impossible de survivre, malgré tous ces millions, malgré ces palais, ces livres, ces souvenirs, ces peintures, ces trésors… Impossible de survivre sans eau, sans nourriture, sans contact avec les autres.
Le voilà, cet homme moderne, cet homme contemporain, ce grand isolé, ce confiné… Le voilà, cet homme seul, prisonnier de ses propres avoirs (ou plutôt de ceux des autres, nous indique le film, mais est-ce vraiment le cas?), coincé entre les murs bétonnés de son esprit, incapable d’en sortir, de voir le monde, de quitter cet univers qu’il a lui-même contribué à bâtir.
Sans doute qu’Inside a des connotations pandémiques. Un homme coincé dans un appartement, laissé à lui-même, qui vit sa vie par procuration, en regardant par la fenêtre ou en s’installant devant la télévision; qui ne voudrait pas établir des liens avec la COVID-19? Mais il faut peut-être plutôt fouiller du côté de l’imagerie catholique. N’avons-nous pas, ici, un homme coincé dans les limbes? À la fois soumis à une forme de torture, mais aussi libéré des tentations terrestres, notre protagoniste ira jusqu’à affubler le propriétaire de l’appartement de cornes, d’une queue fourchue et d’un trident.
N’y a-t-il pas, aussi, cette découverte dans une pièce cachée ressemblant fort à un mausolée? Et que dire de cette évasion rêvée par le toit, par un endroit où pénètre la lumière? Notre « héros » a-t-il vraiment réussi à se sauver, ou est-il plutôt mort dans ce lieu dépourvu de vie, et accède ainsi au paradis? On l’ignore.
Ce qu’il est possible d’établir, cependant, c’est que pour son premier long-métrage, Vasilis Katsoupis s’est non seulement offert un excellent acteur, mais aussi un film profond qui offre une autre perspective sur notre existence.