Depuis le début de l’année, la déforestation de l’Amazonie est de 40 % inférieure à la même période en 2022. Un progrès qui peut être vu comme une victoire pour le nouveau président Luiz Inacio Lula da Silva, mais qui se heurte aux freins d’oppositions régionales et d’une industrie pas prête à céder facilement ses acquis.
La diminution est en bonne partie le résultat de la performance d’avril: la déforestation y a été de 68 % inférieure à la moyenne des mois d’avril précédents. En termes absolus, selon les données gouvernementales publiées le 12 mai, ça se traduit par 329 kilomètres carrés de forêts détruits, contre une moyenne de 456 kilomètres carrés.
C’est donc dire que la déforestation n’a pas pris fin. En fait, les mois de février et mars avaient, eux, été au-dessus de la moyenne. Il est trop tôt pour dire si la tendance est en train de s’inverser: traditionnellement, le « pic » de déforestation se situe entre juillet et septembre, saison plus sèche, donc plus propice aux coupes.
Luiz Inacio Lula da Silva, qui est devenu officiellement président le 1er janvier, a fait de la protection de l’Amazonie une de ses promesses électorales, après les sommets de destruction atteints sous son prédécesseur, Jair Bolsonaro. Toutefois, notait en avril la représentante au Brésil du Fonds mondial pour la nature, imposer de nouvelles règles à la grandeur du pays et les appliquer, sont deux choses différentes. Spécialement dans des régions où le gouvernement central manque de contrôle et où les coupes illégales étaient devenues la norme. « Il faudra du temps pour changer le scénario », disait Mariana Napolitano à l’Agence France-Presse.
Le nouveau président a réactivé le Fonds pour l’Amazonie, une initiative créée en 2008 et soutenue par la Norvège et l’Allemagne, mais qui avait été suspendue en 2019 sous Bolsonaro. Dès janvier, il a nommé ministre de l’Environnement la militante Marina Silva, également militante des droits des autochtones, et qui avait occupé ce poste sous la précédente présidence Lula, de 2003 à 2008.
Mais les vents contraires soufflent encore très fort. L’opposition domine au parlement brésilien, et continue de soutenir l’industrie des éleveurs bovins, qui est responsable d’une bonne partie de la déforestation des dernières années.
Un reportage du Washington Post paru juste après l’élection soulignait qu’une partie de cette opposition pourrait s’unir pour bloquer de nouvelles politiques environnementales ou pour tenter de passer des règlementations facilitant l’exploitation minière illégale. Qui plus est, à ce moment, les budgets des agences de contrôle de l’environnement pour 2023 avaient déjà été alloués.
Mais il est certain que les enjeux vont bien au-delà du Brésil. Outre l’immense quantité du CO2 mondial que cette forêt peut absorber — un tiers des arbres de la planète s’y trouvent, et les deux tiers de l’Amazonie sont au Brésil — et outre la biodiversité unique qu’elle abrite, la grande inconnue est le seuil de coupes au-delà duquel l’Amazonie aura dépassé un point de non-retour. Le scénario-catastrophe évoqué par les chercheurs depuis quelques années étant sa transformation en une savane : on dit de l’Amazonie qu’elle est une forêt dite « humide » parce que les précipitations y sont abondantes. Or, une partie importante de cette humidité provient de l’évaporation des sols et de la transpiration des plantes. Plus on coupe des arbres, plus on court le risque d’enrayer cette mécanique : passé un certain seuil, le cercle vicieux de l’assèchement est enclenché, de moins en moins d’arbres poussent et l’écosystème se transforme en une savane.
Les chercheurs. ne s’entendent pas sur ce que serait ce point de bascule: les estimations varient entre 20 et 30 % de déforestation (on est actuellement à 17 %). Mais chose certaine, il ne faut pas attendre d’avoir coupé toute la forêt avant de voir le système se détériorer.