Au cours d’une soirée double proposée au théâtre des Écuries, deux pièces de la déjantée compagnie du Théâtre de la pire espèce étaient proposées, Léon le nul et Petit bonhomme en papier carbone. Heureusement, les pièces peuvent encore se voir aussi séparément, et si elles semblent rattachées l’une à l’autre par un lien familial – dans la première, on parle du petit Léon et de son grand frère dans la deuxième – elles n’ont strictement rien de commun.
Sait-on suffisamment que le théâtre d’objets a été inventé au Québec en 1999 par Francis Monty et Olivier Ducas? Sans doute, comme toutes les grandes inventions, le théâtre d’objets apparut-il aussi ailleurs, sur d’autres scènes théâtrales du monde. Et on peut aussi objecter que n’importe quel enfant en âge de tenir un objet dans sa main, pratique cette discipline en imaginant toute sorte d’histoires…
Mais voilà, les membres de la compagnie du Théâtre de la pire espèce ne sont pas des enfants. Encore que… Disons qu’ils n’ont plus l’âge d’être des enfants, mais qu’ils le sont restés, c’est certain, et c’est ce qui fait de leur théâtre des moments toujours uniques, désopilants et qui frôlent le génie.
Petit bonhomme en papier carbone est du théâtre d’objets principalement basé sur du papier, du carton et des boites en tout genre et du même matériau, de dessins au marqueur noir et de l’ombre de quelques autres objets colorés sur une table entièrement noire entourée de rideaux noir et blanc.
Accompagné d’un bruiteur musicien essentiel, Francis Monty (dans la version en français de la pièce) nous raconte l’histoire sombre d’Éthienne (avec un H), un enfant à l’imagination qui donne une idée de l’infini, et passablement turlupinée par ce qu’il observe de sa mère. Éthienne qui a pris l’habitude d’avaler les mouches qui tournent autour de lui se pose mille questions sur l’identité de son père, et ces questions il les pose aussi à la lune ou à celui qui lui sert justement de père et qui ressemble plutôt à un animal de la race bovine, grâce à un sérum de vérité mis au point par son copain Stéphane qui vit enfermé dans une des cases métalliques que l’on trouve dans son école…
Le génie de cette pièce noire, tourmentée et merveilleusement abracadabrante est qu’elle s’alimente de minuscules riens qui entourent les pensées d’Éthienne et qui vont pour le moins dans tous les sens… un régal d’humour et de créativité. La pièce est à voir à partir de l’âge de 12 ans et surtout bien au-delà…
Dans Léon le nul, le petit frère d’Éthienne se prénomme Léon et il a d’autres soucis en tête. Comme il est le souffre-douleur de ses camarades de classe, qu’il ne peut compter ni sur l’aide de sa mère ou de son frère, ni sur celle de la jolie Léa, il a décidé de se fabriquer une carapace invincible et de se métamorphoser en train. Pour ce faire, c’est très simple, il se nourrit de clous et d’écrous, accompagnés d’un peu d’huile pour pouvoir mieux les avaler.
Léon le nul est bien sûr du théâtre d’objets, mais là, le théâtre de la pire espèce se surpasse, car la pièce propose du théâtre d’objets sans objet… Une unique chaise trône au milieu de la scène, où Étienne Blanchette s’adonne à une performance d’acteur incroyable puisqu’il interprète non seulement tous ces objets que nécessite le récit, mais aussi son narrateur, Léon, le héros, et les nombreux personnages qui interviennent. Les objets que l’on observe sans difficulté malgré leur absence vont du train à la grande horloge de la gare, des passagers au panneau d’affichage des horaires, des oiseaux qui se font écraser en s’aventurant sur les rails à la montgolfière qu’utilise son frère pour se rendre à l’école, du miroir brisé de la remise à sa porte qui s’ouvre et se ferme avec difficulté…
Le jeu de l’acteur se déploie dans toutes les directions, fait travailler notre imagination et nous raconte une histoire tendre de harcèlement de ce petit Léon qui finit par comprendre qu’il n’est pas le seul à devoir se revêtir d’une carapace pour se protéger des affres de la vie. Le spectacle est destiné aux personnes à partir de 8 ans, et là encore bien au-delà…
Petit Bonhomme en papier carbone : offerte deux soirs en combo avec Léon le nul
Léon le nul
Texte et mise en scène : Francis Monty
Distribution : Étienne Blanchette
Petit Bonhomme en papier carbone
Texte et mise en scène : Francis Monty
Distribution : Francis Monty (pour la version française), Étienne Blanchette (pour la version anglaise)
Léon le nul, du 14 au 18 février 2023 au Théâtre aux Écuries, à Montréal
Petit Bonhomme en papier carbone, du 16 au 17 février 2023 au Théâtre aux Écuries, à Montréal