Les lecteurs de Pieuvre.ca et les auditeurs d’Entretiens journalistiques n’ont probablement plus besoin qu’on le présente; le chroniqueur et essayiste Mickaël Bergeron publie ces jours-ci un nouvel ouvrage, intitulé Cocorico – Les gars, faut qu’on se parle, dans lequel il s’attaque au proverbial éléphant dans la pièce, c’est-à-dire la masculinité toxique.
Édité chez Somme toute, Cocorico représente, en quelque sorte, l’aboutissement d’une réflexion non seulement déjà entamée dans Ma vie en gros, l’essai de l’auteur sur la grossophobie, mais aussi dans quelques-unes de ses chroniques publiées dans La Tribune, à Sherbrooke.
À travers une série de chapitres à la longueur variable, tous centrés sur un sujet en particulier – ce que l’on pourrait appeler « le style Bergeron » –, l’auteur s’intéresse à une question fondamentale : qu’est-ce que c’est, être un homme? Et la réponse… eh bien, c’est qu’il n’y a pas de réponse. Du moins, pas une réponse claire.
Car le fait d’être un homme représente à la fois le meilleur et le pire de ce genre et des comportements qui y sont associés, parfois depuis des millénaires. Page après page, Mickaël Bergeron tente de déconstruire, ou peut-être de réparer, cet édifice ô combien chambranlant et toxique qui a été bâti au fil des siècles, avec ses rapports de pouvoir malsains; cette volonté de domination; cette obligation intangible de constamment projeter une image forte, virile, fière…
Être homme, dans le pire des cas, c’est d’assumer qu’on nous doit non seulement le respect, mais aussi l’amour et le désir; d’où, probablement, ces statistiques effarantes à propos de la violence conjugale, des féminicides, des comportements dangereux, du harcèlement psychologique et sexuel, etc. Bien entendu, tous les hommes n’agissent pas comme des brutes, mais il est logique de se poser des questions sur les valeurs transmises de génération en génération lorsque non seulement les agresseurs sont souvent masculins, mais que le taux de suicide est aussi plus élevé chez les hommes, au Québec. Avons-nous construit notre propre piège psychologie, émotionnel et humain, le tout pour atteindre un idéal complètement absurde?
Lire Cocorico, c’est de nouveau prendre conscience de l’importance d’un dialogue, d’abord avec nous-mêmes, et ensuite avec les autres hommes, à propos de ce que nous voulons inclure dans cette sphère masculine. Bien sûr, en exclure la violence insensée, les comportements toxiques, les visions du monde éminemment misogynes, tout cela prendra du temps. D’autant plus que certains gestes, certains réflexes sont non seulement profondément intégrés dans notre façon de vivre, mais sont aussi perpétrés par les systèmes que nous avons mis en place, que ce soit du côté de la culture, de la science, ou encore de la politique.
Ce qu’il convient de se demander, toutefois, c’est si Mickaël Bergeron réussira à rejoindre davantage de gens que ceux qui sont déjà convaincus, et chez qui la lecture de cet essai ne devrait pas nécessairement provoquer de remise en question. Bien entendu, la tournée médiatique en cours ne peut pas nuire, mais déjà, l’auteur a confié avoir reçu des commentaires particulièrement négatifs après son passage à l’émission Tout le monde en parle. Et pourtant, M. Bergeron ne prétend pas détenir la vérité infuse, mais invite plutôt au dialogue, à la prise de conscience, à l’élargissement des paramètres sociaux et psychologiques qui définissent la masculinité.
Cocorico est donc un ouvrage nécessaire, mais qui ne représente, en fait, que la première étape d’un processus qui, espérons-le, permettra d’améliorer les choses. Car après plusieurs milliers d’années du modèle de fonctionnement actuel, les hommes ont bien besoin d’une nouvelle perspective.
Cocorico – Les gars, faut qu’on se parle, de Mickaël Bergeon, paru aux éditions Somme toute, 216 pages