Dans plusieurs régions d’Amérique du Nord, y compris au Canada et aux États-Unis, l’hiver a un impact sur les conditions routières. Et pour lutter contre la neige et la glace, nombreux sont les gouvernements et les particuliers qui utilisent du sel et d’autres produits de déglaçage. Des chercheurs ont ainsi tenté de connaître les impacts à long terme de ces substances utilisées en très grandes quantités.
Ces spécialistes, dirigés par Rachel McQuiggan, du Delaware Geological Survey, ont évalué les eaux tombées lors de pluies, ainsi que les eaux provenant du sol, le tout au sein d’un bassin d’infiltration, qui permet à des eaux tombées lors de pluies ou de tempêtes de s’infiltrer dans le sol.
Les travaux ont été publiés dans Journal of Environmental Quality.
« La plupart des pratiques en matière de gestion des eaux de pluie sont conçues pour protéger les eaux de surface », mentionne Mme McQuiggan. « Les bassins d’infiltration, et mêmes certains genres d’infrastructures vertes, sont conçus selon l’idée que les eaux de pluie bénéficient d’un « filtrage » naturel en passant dans le sol, alors que les contaminants sont dilués et que l’eau tombée du ciel se mélange à de l’eau souterraine déjà existante. »
Toujours selon la chercheuse, ces méthodes existent pour éviter que des produits contaminants, comme le sel, ne se retrouvent directement dans les eaux de surface. Mais dans des États américains comme le Delaware, l’eau du sol représente jusqu’à 80 % de l’eau présente dans les rivières et les ruisseaux. Cela signifie que le sel terminera éventuellement sa course dans ces rivières et ruisseaux; il faudra simplement plus de temps.
Les chercheurs ont ainsi surveillé le bassin d’infiltration entre la mi-mai 2019 et la mi-février 2022 pour évaluer l’impact du sel de déglaçage sur la qualité de l’eau souterraine. L’un des aspects de leurs conclusions démontre que la complexité géologique, c’est-à-dire les différences entre les propriétés du sol, a eu un impact sur la façon dont les eaux de pluie salées se sont déplacées à travers les eaux souterraines.
Au dire des spécialistes, il est ainsi important de tenir compte de facteurs comme l’emplacement, la profondeur et la fréquence des appareils de surveillance des eaux souterraines pour obtenir un aperçu complet de la situation.
L’équipe a ainsi constaté que les eaux souterraines sont affectées par le sel de déglaçage durant l’ensemble de l’année, et non pas seulement l’hiver. Cela s’explique par le fait que le sel demeure dans les sols des bassins de rétention. Le sel est formé de chlore et de sodium, et le chlore circule plus facilement dans l’eau. Cependant, le sodium s’attache plus facilement aux particules du sol.
Pendant d’autres moments de l’année, les eaux de pluie ne contenant pas autant de sel pénètrent dans le sol, y retirent le sodium et celui-ci se retrouve dans l’eau. Les résultats de l’étude démontrent aussi qu’une plus forte concentration en sel peut faire en sorte que du radium, un élément radioactif, se retrouve dans l’eau souterraine.
« Le climat peut vraiment affecter la façon dont tout cela se déroule », indique Mme McQuiggan. « Par exemple, lorsque le printemps et l’été sont secs, le sodium peut prendre plus de temps pour atteindre l’eau souterraine. Et au Delaware, la neige fond habituellement quelques jours après être tombée, et s’écoule des routes. Dans des climats plus froids, la neige peut demeurer gelée pendant des mois. »
Le sel, toujours le sel
S’il existe d’autres produits servant au déglaçage, ils ne sont pas aussi efficaces que le sel, et chacun a ses avantages et ses inconvénients. Le sable est une option populaire pour accroître la traction au sol et minimiser les impacts sur l’eau souterraine, mais pourrait nécessiter davantage d’entretien, comme le nettoyage des rues, poursuit la chercheuse.
« Il y a même des produits comme le jus de betterave », dit Mme McQuiggan. « Cependant, la plupart des alternatives sont employées en conjonction avec le sel ou d’autres produits tout aussi efficaces, puisque la sécurité routière est essentielle. Chaque option a ses bons et ses mauvais côtés en termes d’impacts environnementaux et de coûts. »
La plupart des régions froides ont besoin de produits de déglaçage pour assurer la sécurité des conducteurs, des cyclistes et des piétons. Les chercheurs affirment que leurs travaux offrent des directions pour s’assurer de la meilleure façon pour évaluer l’impact des produits de déglaçage sur les eaux souterraines, afin d’apporter des modifications, au besoin.
« Les réservoirs d’eau souterraine représente environ la moitié de toute l’eau potable à l’échelle mondiale », rappelle Mme McQuiggan. « Dans plusieurs parties du Delaware, cette eau est la seule source d’eau potable. Avec de la chance, les résultats de ce projet favoriseront l’adoption des meilleures pratiques pour l’utilisation des produits de déglaçage, afin de protéger les ressources hydriques souterraines. »