Foyer artistique de Montréal, s’il en est, le quartier du Mile-End regorge de talents en tous genres (écrivains, scénaristes, acteurs, dessinateurs, musiciens et autres créateurs ou intellectuels) qui se retrouvent dans divers lieux, dont le Dépanneur-café, sur la rue Bernard.
Dans cet établissement atypique, des musiciens se succèdent chaque jour pour proposer aux flâneurs sirotant leur café devant un livre ou un ordinateur, diverses sortes de musiques : jazz, variété, flamenco, rock, soul… musique klezmer. Et parfois, à ce petit miracle quotidien, s’ajoute un autre plus grand encore, celui de la présence d’une star de la scène montréalaise comme Socalled pour un moment inoubliable.
Parmi les orchestres klezmer qui se produisent (car il y a aussi le très bon groupe Kallisto, en ce moment), celui de Zafer, un jeune altiste d’origine syrienne, réunit autour de lui divers instrumentistes au cymbalum (tsimbl en yiddish), au piano, à l’accordéon, au violon… Et c’est cette petite formation à géométrie variable, modestement notée Zafer and friends sur le tableau noir du Dépanneur-café – dont personne ne parle dans les médias, et pourtant présente fidèlement un concert chaque semaine, depuis au moins huit ans – qui a réussi à séduire le grand Socalled.
L’artiste génial se joint Zafer, à l’occasion, pour le seul plaisir de faire de la musique.
Le retour du klezmer
Le klezmer est une musique juive ashkenaze, c’est-à-dire originaire d’Europe centrale, et qui connait un renouveau à Montréal et dans le monde. Beaucoup de musiciens ont disparu durant la Shoah me rappelle Zafer, et c’est à une revitalisation du klezmer qu’il s’efforce de contribuer, un mouvement qui s’est amorcé au cours des années 60 et 70.
Il s’agit donc, pour Zafer, de récupérer des œuvres sorties des archives de la musique et de redonner vie à différents morceaux oubliés et perdus sinon, que l’on interprétait couramment en Ukraine, en Moldavie, en Bulgarie, en Roumanie ou en Transilvanie…
La musique klezmer est une musique entrainante, mais remplie de nostalgie; surtout joyeuse, mais un peu triste aussi. Ce sont des tonalités bien particulières et des instruments de prédilection comme le violon, le cymbalum ou la clarinette.
Mais le klezmer est capable d’absorber n’importe quelle mélodie et d’être jouée avec toutes sortes d’autres instruments. Son rythme à lui et sa capacité d’entrainer les oreilles des auditeurs dans des rondes folles ne peuvent être confondus avec aucune autre musique. Mais Zafer and friends (Zafer Mamilli et Ariane Morin, Daniel Kunda-Thagard, Eden Glasman, Dan Wolfe et d’autres) n’est pas exactement le nom de la formation de Zafer. Il lui préfère celui de de Yenne Velt, en yiddish, qu’on traduirait par Olam Aba en hébreu, ou Autre monde en français.
Le mouvement hassidique, dans la période sombre qui vit son apparition, cherchait à atteindre le monde d’en haut par l’exaltation dans la musique et la danse. Pour Zafer, cette musique qui lui est chère provient d’un autre monde, un monde perdu et qu’il s’agit de faire revivre.
S’il reviendra surement un de ces jours, Socalled ne sera pas au Dépanneur-café la semaine prochaine. Il s’envole pour Nice, en France, où il va se produire dans le cadre du Festival Jazz ‘N’ Klezmer. Et lors du dernier spectacle, ce n’était pas seulement Socalled qui s’était joint aux amis de Zafer; sans aucune annonce, l’artiste marionnettiste Lari Jalbert, qu’on a déjà vue dans le Ouf du festival Les Casteliers, accompagnait de ses créations musiciennes et danseuses la prestation klezmer du lundi au Dépanneur-café. La preuve que les miracles existent bien…
Zafer and friends, chaque lundi à 15h au Dépanneur-café à Montréal