Longtemps décriée, la géoingénierie pourrait-elle acquérir ses lettres de noblesse en sauvant les glaces du Groenland? C’est l’objectif que semblent s’être donnés des entrepreneurs et au moins un milliardaire.
« Géoingenierie » est le terme donné à un ensemble de projets consistant à jongler avec les systèmes terrestres — atmosphériques ou océaniques — dans le but d’atténuer les effets du réchauffement climatique ou de ralentir celui-ci. On a parlé par exemple depuis les années 2000 d’envoyer des millions de tonnes de particules aérosol dans la haute atmosphère, pour réduire de 2 % la quantité de lumière solaire. Ou de répandre des millions de tonnes de sulfate de fer dans les courants océaniques (une expérience à petite échelle a été menée en 2012 au large de la Colombie-Britannique). Si ces idées sont souvent décriées, c’est parce qu’elles impliquent de faire des interventions à grande échelle sans savoir si elles n’auront pas de dangereux impacts allant au-delà de l’effet initial recherché.
Or, des représentants de deux groupes faisant la promotion de la géoingénierie étaient présents à la mi-octobre en Islande, à une rencontre internationale sur l’avenir de l’Arctique. Un des concepts discutés, et pas seulement par eux, est de construire une barrière physique pour empêcher les eaux plus chaudes de l’Atlantique d’atteindre la base du glacier Jakobshavn. Cette barrière, résume le New Scientist, prendrait la forme de structures solides ancrées dans le roc, soutenant un « rideau flottant ».
Si l’idée se réalisait, il s’agirait de la première intervention à grande échelle dans le monde pour freiner la fonte des glaces.
La calotte glaciaire groenlandaise est la deuxième plus grande du monde, après celle de l’Antarctique. L’intervention dont il est question ici ne vise donc pas l’ensemble de la couverture glaciaire, mais un secteur qui fait face à des menaces immédiates : le glacier Jakobshavn, décrit comme « le principal point de drainage » de la fonte des glaces. À sa base, sur le flanc ouest du Groenland, il est exposé aux eaux plus chaudes, et il se vide lentement dans un fjord. Un processus qui est en cours depuis des décennies : une étude publiée dans Nature en 2004 estimait que la quantité de fonte émanant de ce glacier était responsable de 4 % de la hausse du niveau des eaux du 20e siècle.
Le fjord fait environ 5 kilomètres de large et c’est là que serait construite la barrière. La facture est évaluée à 2 milliards de dollars. La rencontre en Islande était financée par le milliardaire suédois Frederik Paulsen, qui a montré un intérêt pour financer de tels projets.
Au-delà du coût toutefois, le problème est qu’une telle construction mettrait 20 à 30 ans avant d’être complétée. Et pendant ce temps, il y a le reste du Groenland, qui continuerait d’être sous l’effet de l’air plus chaud, et il y a l’Antarctique…