Et rebelote! Six mois après l’hétéroclite Omnium Gatherum, les types décidément très occupés de King Gizzard and the Lizard Wizard entament un triptyque de nouveaux disques avec Ice, Death, Planets, Lungs, Mushroom and Lava. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les gars avaient envie de jouer de la guitare…

La rumeur courait que cet album serait davantage orienté métal; après tout, à la suite d’Infest the Rat’s Nest, les amateurs de gros rock qui bouge n’avaient pas eu grand-chose à se mettre sous la dent. Il y a bien eu The Dripping Tap et Gaia, notamment, sur le précédent album, mais on ne peut pas dire que nos Australiens préférés avaient forcé le trait.
La musique du groupe avait davantage tourné autour d’une musique encore bien souvent très rythmée, certes, mais surtout plus légère, plus pop, voire plus psychédélique. K.G. et son jumeau L.W., Butterfly 3000… Rien à redire, vraiment, mais on pouvait trouver que cela commençait à manquer un peu de poigne, un peu de hargne.
Disons tout de suite : Ice, Death…, malgré son titre qui pourrait le laisser supposer, et malgré une pochette sulfureuse à souhait, n’est pas un album métal. Ni même un album hard rock. Non, il s’agit plutôt d’un album exploratoire, où la plus courte piste dure 6 minutes et 41 secondes, et où les membres du groupe s’offrent ainsi la marge de manoeuvre nécessaire pour explorer en profondeur les sonorités qui les intéressent.
Ainsi, dans un titre-fleuve comme Ice V – et ses 10 minutes 16 secondes au compteur –, la musique évoquera une soirée couleurs néon dans un bar, au cours des années 1970, longs favoris et moustache au vent. Mais au-delà des visuels qui sont renforcés par un clip tout aussi jazzy et seventies que la musique, la pièce est un lieu de création, une zone tampon où on peut avoir droit à l’erreur, ou l’on peut sortir des sentiers battus.
D’ailleurs, qui nous dit que les membres du groupe n’ont pas décidé d’improviser, quelque part à l’intérieur de la gigantesque partie instrumentale? Rien ne les en empêche, après tout; nous ne sommes pas dans une chanson structurée comme pouvait l’être la tripative Intrasport, par exemple. Et comme The Dripping Tap l’avait fait lors du précédent album, ces longs, très longs morceaux servent en quelque sorte d’arène où s’affrontent les accords, les voix, les percussions… On y erre comme on erre dans le cosmos, en tentant d’éviter les écueils tout en s’émerveillant devant tant de beauté, tant de diversité.
Ce qu’il faut toutefois savoir, avant de s’embarquer dans l’aventure de ce nouveau disque de KGLW, c’est que l’album nécessitera non seulement plusieurs écoutes pour en saisir toutes les nuances, mais aussi qu’il ne tolérera pas de distraction. Faites autre chose pendant que l’album joue, et vous vous retrouverez quelque part, au beau milieu d’un solo de guitare, à vous demander quel chemin tortueux et potentiellement escarpé vous avez emprunté.
Cela étant dit, une fois que l’on s’installe confortablement, on constate à quel point le groupe demeure en groupe; une mesure après l’autres, nos compères louvoient entre des écueils musicaux qui pourraient s’avérer fatals. Et l’on sent, tout juste sous la surface, toute cette énergie, toute cette volonté créatrice qui, si on lui laissait la bride sur le dos, pourrait mener à une situation cacophonique. Fort heureusement, il n’en est rien.
Album costaud, album complexe, mais aussi album fascinant et entraînant, Ice, Death, Planets, Lungs, Mushrooms and Lava est aussi mouvementé que son nom est long. Mais pour les amateurs du groupe, il s’agit d’un ajout tout à fait approprié à une titanesque discographie qui compte déjà 21 titres…