Le monde de l’art théâtral est parfois grevé par certains défauts, y compris la représentation de groupes sociétaux longtemps mis à l’écart. Heureusement, il y a des projets, comme la pièce Les Waitress sont tristes, de la compagnie Joe Jack et John, qui offrent un espace beaucoup plus vaste aux artistes neurodivergents, notamment Michael Nimbley, qui porte très largement l’oeuvre sur ses épaules. Rencontre avec Catherine Bourgeois, qui l’accompagne à la mise en scène.
« Le projet des Waitress fait partie d’une réflexion qui prend racine depuis presque 20 ans, à propos de l’accessibilité des plateaux, du travail artistique, pour les artistes neurodivergents », mentionne, au bout du fil, celle qui a cofondé la compagnie Joe Jack et John, en 2003, et dont elle est la directrice artistique.
« Cette réflexion-là suit aussi son cours en matière de ce qui fait qu’on peut, à un moment donné, s’émanciper, s’autodéterminer, etc. C’est un combat pour atteindre des postes clés. J’observe, depuis quelques années, au Royaume-Uni comme au Canada, cette réflexion sur les projets qui seraient davantage dirigés par des personnes handicapées, plutôt que celles-ci soient dirigées par des personnes non handicapées. »
« Je me suis dit « wow, c’est vrai que cette parole-là est aussi une réflexion sociale ». Le fait de diriger des projets et d’amener des idées sur scène s’est toujours fait à travers le prisme de quelqu’un d’autre, qui n’est pas neurodivergent… Et donc, pourquoi ne pas créer des résidences de création et accompagner des artistes dans un processus de création qui leur est propre? C’est comme une réflexion sociale, ou à propos de l’émancipation », poursuit Mme Bourgeois.
Selon cette dernière, le simple fait d’indiquer, en réunion avec l’équipe, que le projet était celui de Michael Nimbley, « forçait les gens à revoir leurs perspectives, réévaluer leurs biais potentiels, leur façon de voir les choses… ».
« Cela a été un processus humain autant qu’artistique et social. »
Catherine Bourgeois tient toutefois à préciser que Les Waitress sont tristes n’est pas une oeuvre portant directement sur la neurodivergence; en fait, ce « western contemporain » raconte l’histoire du cowboy Morrison qui part à l’aventure, en compagnie de son fidèle ami Ti-Mousse, qui s’arrêtent dans un bar où les waitress servent de la bière et dansent en ligne.
Cependant, la question de la neurodivergence « est abordée par ricochet, par qui on est, qui est sur scène… Par nos perspectives et nos façons de prendre la parole », mentionne Mme Bourgeois.
Celle-ci rappelle que l’accompagnement de Michael Nimbley « fut de longue haleine », sur une période d’environ cinq ans, notamment parce que la pandémie a ralenti tout le processus. « J’ai l’impression que depuis la dernière année, puisque Michael porte le projet sur ses épaules et joue le personnage principal, nous avons eu une discussion pour que je m’occupe davantage de la mise en scène. »
Dans le cadre de la pièce, une représentation « décontractée » sera offerte, où le public pourra notamment entrer et sortir de la salle comme bon lui semble, s’il estime nécessaire de le faire pour se reposer, entre autres, ou pour toute autre raison. L’environnement théâtral sera aussi revu pour assurer plus de calme, afin d’aider les nouveau-nés, ou encore les personnes souffrant de limitations cognitives, d’un trouble sensoriel ou du spectre de l’autisme, etc.
Les Waitress sont tristes, jusqu’au 1er octobre au théâtre Espace libre