À force de vouloir imiter la réalité, finit-on simplement par en créer une copie? La série The Boys a, pendant deux saisons aussi excellentes qu’audacieuses, irrévérencieuses et jouissivement violentes, réussi à créer une version alternative des États-Unis qui, si elle est en un certain sens bien pire que la réalité, permettait de réfléchir sur les problèmes de notre société. La troisième saison de la télésérie, elle, révèle l’usure d’une formule qui commence à faire du surplace.
Après une deuxième saison consacrée à la montée du fascisme, aux États-Unis, dans la foulée de l’union de Homelander et de Stormfront, saison qui a culminé avec la « mort » de cette dernière, voilà que Homelander, de nouveau seul, poursuit sur sa lancée.
Plus violente, plus sociopathe et plus incontrôlable que jamais, la tête d’affiche des Seven cherche à tout prix à tout contrôler. Et ce besoin impossible à assouvir le propulsera à la tête de Vought, la multinationale qui possède l’équipe de superhéros – et à peu près tout le reste. Homelander cherchera aussi à retrouver Ryan, son fils, que son ennemi Butcher souhaite à tout prix protéger.
En fait, la filiation est effectivement au coeur de cette troisième saison : on revisitera tour à tour la relation entre Homelander et son fils; entre Butcher et Ryan, le premier étant le veuf de la mère de Ryan, enlevée, violée et séquestrée par Homelander pendant des années; entre Butcher et Hughie, normalement le héros de la série, mais qui dérive de plus en plus, comme son mentor… Il y a aussi la relation entre Mother’s Milk et sa fille, maintenant en garde partagée, avec un beau-père passionné par Homelander, et qui s’abreuvera avec délectation au flot de mensonges et de déclarations dangereuses de ce dernier.
On pourrait croire, avec une bonne dose de situations complètement hallucinantes, que ce soit pour leur côté étrange, leur aspect violent, ou les deux à la fois, que cette troisième saison des Boys est une nouvelle étape dans cette guerre entre les « bons » et les « méchants », entre les humains normaux et les superhéros que rien ne semble pouvoir arrêter. Et s’il y a effectivement un peu de cela, avec une apparition joyeusement kitsch de Paul Reiser en prime, force est d’admettre que le scénario commence à tourner en rond.
Après tout, le concept de base était simple : Butcher voulait tuer Homelander, et l’ensemble des superhéros, notamment parce que le chef des Seven avait supposément tué sa femme. Le fait que cette copie dystopique de Superman soit aussi un mélange cauchemardesque de Hitler et de Donald Trump y est aussi pour quelque chose, bien entendu.
Sauf que l’on sent que les scénaristes étirent la sauce. Rares, très rares sont les moments où on a l’impression de progresser dans cet affrontement qui perdure. Et le peu de progression personnelle, pour l’un des personnages les plus mystérieux de la série, est réduit à néant en un instant. Pour le reste, la société américaine de The Boys semble peu à peu glisser dans la violence gratuite et la volonté d’éliminer ses opposants. Cela non plus, malheureusement, n’est pas une surprise pour personne…