Peut-on contrer le has-been-isme? Une question qui revient de plus en plus régulièrement, alors que l’intérêt en hausse pour la nostalgie face à une population toujours vieillissante s’entête (parfois avec raison) à nous ramener les vestiges et succès d’époques souvent révolues. The Unbearable Weight of Massive Talent se lance donc dans la rédemption d’une vedette qui bat de l’aile depuis des décennies, sans pour autant perdre son statut culte et singulier : Nicolas Cage.
La fiction vit régulièrement de son propre souffle, et ce, même si elle adore s’inspirer ad nauseam de notre propre réalité. Un tel effet miroir a certainement ses mérites, sauf lorsqu’on se perd dans ses propres idées.
C’est un peu le cas du deuxième film de Tom Gormican, qui s’est retrouvé avec la meilleure opportunité possible (rendre hommage à Nicolas Cage dans sa totalité), sans pour autant jamais en tirer avantage à son plein potentiel, probablement dans le but de pouvoir être apprécié par tous, et pas juste les Cage afficionados. Du même coup, il a rappelé pourquoi son That Awkward Moment nous avait si peu marqué.
Ainsi, si son premier effort prétendait revigorer la comédie romantique, ici, on aspire à se joindre avec panache au le mouvement meta. Le hic, c’est que l’effort devient rapidement vain, alors qu’on y mêle une quantité abasourdissante d’éléments inventés s’imbriquant autour de la personnalité de l’acteur Nicolas Cage, interprété néanmoins avec panache par l’acteur en question. Nous sommes toutefois loin de ses implications les plus dévouées, précisons-le.
Puisque voilà, c’est tout ce qui reste au final de cette version semi-fictive de l’acteur : une vague interprétation de sa personnalité, tout comme son curriculum vitae. Tout le reste n’est qu’un assemblage d’éléments disparates sans intérêt marquant pour nourrir une comédie d’action anonyme, comme on en voit des tonnes à chaque année.
La prémisse qui faisait sourciller n’arrive après tout jamais véritablement à convaincre ou à décoller, alors que Cage se retrouve dans une opération de la CIA pour attraper un chef maffieux. Lui qui, au départ, ne faisait qu’accepter un simple contrat très payant d’apparition pour une fête d’anniversaire d’un fan milliardaire.
Pire encore, toutes les possibilités de donner dans le pastiche, de délirer dans l’absurde et de constamment aller plus loin que l’idée de départ tombent continuellement à l’eau parce qu’on se prend ironiquement un brin trop au sérieux (même dans les rares élans de folie).
L’effort commence pourtant avec un certain potentiel, alors que Cage se remet en question tout en remettant en question l’état de sa carrière, prêt à remonter la pente et à retrouver une certaine gloire. Il y a du très beau, lorsqu’il explique à sa thérapeute que son métier d’acteur est un métier comme un autre pour payer son loyer.
Sauf qu’on commence déjà à décrocher face à sa famille fictive (une habitude pourtant continuellement utilisée à tort), dont sa fille fictive interprétée par la véritable fille des parents-acteurs Kate Beckinsale et Michael Sheen (!) et ces interprètes connus qui se voient interpréter des « rôles » et non eux-mêmes.
Ainsi, pourquoi devrait-on croire que cet univers soit celui de « notre » Nicolas Cage, si Neil Patrick Harris est son agent nommé Richard Fink, Pedro Pascal un riche milliardaire et Tiffany Haddish, une agente de la CIA? Surtout que les liens entre Cage et des personnalités réelles sont nombreux et ses amitiés souvent aussi impressionnantes que sa propre personne. On parle quand même du neveu du grand Francis Ford Coppola!
Pourquoi avoir opté pour quelque chose d’aussi fade, alors qu’on explore toujours plus le concept des multivers avec des trucs géniaux comme Spider-Man : Into the Spider-Verse (dont Cage faisait partie, justement) et même le récent et jubilatoire Everything Everywhere All At Once?
C’est d’autant plus navrant que l’on avait accès à pratiquement tout le répertoire de l’artiste et des possibilités a priori infinies pour référencer son travail antérieur (il n’y a qu’à jeter un coup d’œil aux copyright des œuvres citées dans le générique). Alors qu’on finit qu’avec du name-dropping desdites œuvres, quelques extraits ici et là et, finalement, bien peu de meta.
Rappelons aussi que Cage aurait été au départ bien plus intéressé à jouer le rôle de son fan, geste qu’il considérait bien plus meta, que sa propre personne. Une idée déjà plus intéressante, surtout lorsqu’on repense à la justesse d’un gag inoubliable de Ocean’s Twelve, où le personnage de Julia Roberts devait se faire passer pour l’actrice… Julia Roberts!
Il faut aussi préciser que la production a connu beaucoup d’embûches, notamment à cause de la pandémie, changeant à la fois les lieux de tournage et la nature de plusieurs cameos prévus originalement.
L’effort demeure néanmoins agréable à regarder. On y sourit régulièrement et l’équipe derrière la caméra n’en est pas à leur premier film, comme la monteuse Melissa Bretherton,qui a collaboré à des comédies de Jonathan Levine, Paul Feig et Adam McKay!
On est beaucoup plus amer face à ce rendez-vous manqué qui aurait dû offrir hommage et rédemption à une figure aussi emblématique. Face à des rôles qui ont beaucoup fait jaser dans les dernières années et une présence en gif et en memes toujours grandissante, il y avait décidément moyen d’écrire quelque chose de beaucoup plus satisfaisant et représentatif que cette comédie mollassonne et régulièrement peu crédible où une majorité de jeunes trouvent que Cage est la représentation même de ce qui est cool.
Ainsi, si jamais quelqu’un était intéressé à reprendre le concept et à le refaire, en mieux (ce qui ne doit certainement pas être compliqué), disons qu’on ne sera décidément pas les premiers à s’en plaindre.
6/10
The Unbearable Weight of Massive Talent prend l’affiche en salle ce vendredi 22 avril.