La nouvelle est-elle une forme littéraire en voie de disparition? Pas du tout, semble vouloir dire l’auteur Serge Labrosse, qui propose, avec L’encre sèche et on oublie, une pléthore de courts, voire de très courts textes qui explorent efficacement l’amour, la mort, et toutes les émotions contenues entre ces deux extrêmes.
En fait, qu’est-ce qu’une nouvelle, au juste? Comme pour le roman, les contours de cette catégorie, les normes qui définissent son existence, tout cela est un peu flou. Pour M. Labrosse, ancien journaliste au Journal de Montréal, généralement affecté aux faits divers – communément appelés les « chiens écrasés » –, ces nouvelles tiennent parfois de l’entrefilet. Ce qui, compte tenu de son passé de reporter, s’explique aisément: amorce, corps du texte, fin. Bien sûr, on ne nous offre pas, ici, les fameux « cinq W », les grandes composantes d’un article qui doivent impérativement se trouver en début de texte, mais c’est tout comme.
Voilà donc des nouvelles diablement efficaces qui abordent en grande partie la question de la mort. Mais cette mort, plutôt que d’être banale, ou plutôt froidement rapportée, comme le font parfois les journalistes, est ici explorée avec plus de minutie, plus de respect, en quelque sorte. Difficile d’échapper à un métier et ses habitudes qui nous suivent pendant des années, mais M. Labrosse passe ici outre les contraintes de style pour se donner davantage de marge de manoeuvre. Et comme la nouvelle, au contraire de la nouvelle, repose généralement sur une surprise ou une chute en fin de texte, l’auteur semble être passé maître dans ce genre de choses, nous offrant à de multiples reprises des surprises dans les dernières lignes, voire les derniers mots de ses nombreux textes.
Le risque était grand, pourtant, pour que le punch tombe à plat, ou que la nouvelle tombe à plat, faute de substance. Fort heureusement, l’auteur est parfaitement en contrôle de ses moyens, et parcourir son oeuvre procure un plaisir certain. Certes, on ne lira pas L’encre sèche et on oublie pour son côté « hop la vie », la plupart des textes racontant le quotidien des éclopés de l’existence, mais après tout, les gens heureux n’ont pas d’histoire…
L’encre sèche et on oublie, de Serge Labrosse, publié chez Lévesque Éditeur, 96 pages.