Il fallait bien que cela se termine, un jour ou l’autre: après neuf romans, après six saisons de la série télé (dont la dernière déclinaison débutera vendredi le 10 décembre), voilà que la porte se referme sur l’univers de The Expanse, avec le dernier livre de la saga, Leviathan Falls.
Que de chemin parcouru pour nos quatre protagonistes du Rocinante, le vaisseau martien depuis devenu le domicile de Jim Holden, Naomi Nagata, Alex Kamal et Amos Burton, tour à tour figures de proue des indépendantistes un peu malgré eux, mercenaires, explorateurs spatiaux et combattants de la liberté dans la lutte contre un puissant empire galactique.
L’univers de The Expanse s’est lui aussi profondément transformé au fil des ans: d’abord un puissant témoignage en faveur de la décolonisation, l’oeuvre a peu à peu muté en un appel à l’aventure, tout en demeurant, en toile de fond, une course contre la montre face à des puissances pratiquement incompréhensibles qui menacent, à tout moment, de faire disparaître l’humanité. Car tout le côté véritablement « science-fictionnesque », avec la protomolécule extraterrestre, puis les gigantesques portails permettant d’accéder à plus d’un millier d’autres systèmes solaires, était présent depuis le début. Et en filigrane des conflits sociaux, politiques et mêmes militaires qui ont touché l’humanité au fil des décennies écoulées dans l’univers de James S. A. Corey, il y a toujours cette quête de l’inconnu, cette volonté de comprendre ces forces si incroyables qu’elles tiennent pratiquement de la magie.
La force de la série aura en fait été de mettre tous ces enjeux sur un pied d’égalité, en quelque sorte. De nous faire sentir que la relation entre Jim et Naomi pouvait parfois être aussi importante que le destin des colons sur un nouveau monde aussi étrange que meurtrier, ou encore que les dissensions politiques au sein de l’OPA, l’organisation qui représentait, pendant un temps, les habitants des mondes extérieurs face à la Terre et à Mars.
Métaphysique et fin du monde
Et donc, qu’en est-il de ce neuvième et dernier roman de la série? Sans donner trop de détails, il suffit sans doute de savoir qu’il s’agit probablement du tome le plus… spirituel, au sens religieux et métaphysique de la chose. Après tout, les entités qui ont créé la protomolécule et les portails spatiaux, tout comme les autres formes de vie, celles qui ont détruit les premières et qui menacent d’en faire tout autant avec l’humanité, n’ont jamais été représentées sous une forme physique. On n’a pas ici, par exemple, de races extraterrestres comme dans Stargate, où les Goa’uld avaient parasité des êtres humains pour en faire leurs esclaves (et permis de respecter le budget des costumes de la série), ni même de petits bonshommes verts ou gris. Non, ici, les extraterrestres sont immatériels, présents et absents à la fois, et laissent l’humanité tenter de se débrouiller largement seule.
Cela n’est pas sans rappeler l’idée que des races extraterrestres étant si avancées qu’elles peuvent se déplacer plus rapidement que la vitesse de la lumière, en violant plusieurs de nos lois de la physique au passage, en viendraient à nous considérer comme étant aussi intelligents que peuvent l’être des fourmis, pour nous. Bref, pas besoin de se préoccuper des humains, eux qui en sont encore aux balbutiements de leur civilisation.
Sans être révolutionnaire, Leviathan Falls apporte une conclusion franchement satisfaisante à une série qui se sera étalée sur une décennie. Et, surtout, les auteurs ont su trouver une fin adéquate, plutôt que d’étirer indûment la sauce, comme cela s’est déjà vu ailleurs.
Un livre à ajouter à sa collection, donc, si l’on a déjà les huit tomes précédents. Et si on est en fait néophyte, il n’est jamais trop tard pour se plonger dans l’une des meilleures séries de science-fiction des dernières années.