Entre l’amour, l’injustice et le deuil, De son vivant, l’œuvre poignante d’Emmanuelle Bercot, développe le cheminement psychologique d’un homme condamné trop jeune par sa maladie. Adepte du drame, la réalisatrice française a de nouveau atteint son auditoire en exploitant avec brio le thème sensible de la mort.
Été, automne, hiver, printemps : les quatre saisons et le temps que l’on a donné à Benjamin (Benoît Magimel) avant que son cancer du pancréas de stade 4 ne gagne la bataille. Accompagné de son médecin Gabriel Sara, un véritable cancérologue qui incarne son propre rôle, et de toute une équipe médicale, le jeune professeur de théâtre devra « ranger le bureau de sa vie » avant de quitter ceux qu’il aime.
Au long de ses 120 minutes, le drame met à rude épreuve Crystal (Catherine Deneuve), assujettie au destin funeste de son fils, et les autres membres de son entourage qui évoluent autour de cette fatalité.
Du théâtre à la réalité
Si les thèmes de la mort et du deuil dans lesquels baigne le film sont en eux-mêmes touchants, certaines scènes permettent d’accentuer la tristesse qui s’en émane.
C’est le cas lorsque Benjamin demande à ces élèves d’interpréter des situations relatives à la mort. Qu’il s’agisse de simuler des adieux ou d’annoncer son propre décès, ces mises en abîme préparent le protagoniste à ce qui l’attend promptement.
Certains éléments cinématographiques sont aussi mis en évidence lors de ces séquences de jeu. À maintes reprises, la caméra se concentre sur des mains qui se touchent pour la dernière fois et des visages striés de larmes. Ces composantes réapparaissent lorsque le jeune professeur fait face, réellement cette fois, aux mêmes circonstances. Cette référence rend ces moments d’autant plus tragiques, car elle met l’accent sur les adieux qui sont bien réels cette fois.
L’excellence des acteurs
L’œuvre saisissante d’Emmanuelle Bercot n’aurait toutefois pas la même puissance sans l’impressionnant jeu des acteurs. Notons au passage la performance saisissante de Benoît Magimel qui interprète minutieusement son personnage en évolution. Il incarne un homme se considérant, au départ, comme un « acteur raté », peu confiant en lui et sa valeur aux yeux de ses proches. Au cours du film, la maladie lui apprend à se laisser aimer des autres et reconnaître la trace qu’il aura laissée dans leur vie. Une scène en particulier montre l’ampleur du talent Benoît Magimel : son personnage se trouve étendu, les écouteurs sur les oreilles et regarde fixement de ses yeux vides, tristes et sans espoir sa mère qui l’accompagne.
La performance de Gabriel Sara ajoute aussi à la qualité du film. Le regard tendre et compatissant de l’acteur accentuent le réalisme du long métrage. Ses yeux doux, sa voix calme et son attitude apaisante lorsqu’il annonce à Benjamin le peu de temps qu’il lui reste à vivre témoignent en outre des qualités interpersonnelles nécessaires au métier de cancérologue.
De son vivant est également empreint d’une esthétique qui nous accompagne habilement vers la mort qui guette Benjamin. L’éclairage s’obscurcit au cours du film, notamment pour servir cette transition émouvante. Les nombreux plans rapprochés constituent un choix tout aussi judicieux d’Emmanuelle Bercot, qui par ceux-ci met en valeur le travail de ses acteurs. L’œuvre est, en somme, finement élaborée sur le plan musical, grâce aux compositions d’Éric Neveux qui l’enveloppent et autorisent le spectateur à s’abandonner aux états d’âme de Benjamin.
De la méduse au nuage
Pour les adeptes des petits détails, le film est, au surplus, truffé de discrets éléments symboliques qui ajoutent à sa richesse. Ceux-ci font souvent écho à l’étape à laquelle se trouve Benjamin dans son développement psychologique. Les cravates que porte le docteur Sara en sont un exemple intéressant. Elles contiennent des symboles qui, en mon sens, sont au diapason avec l’état psychologique de l’incurable protagoniste. Lors de sa deuxième rencontre avec ce dernier, le docteur porte une cravate tapissée de méduses, le symbole d’un équilibre rompu alors qu’à sa dernière visite, elle est ornée de nuages, une allusion à la transformation et au sentiment de légèreté.
Ces quatre dernières saisons de la vie de Benjamin, teintées du talent d’Emmanuelle Bercot, sauront transporter l’auditoire dans ce cheminement vers la mort qui donne une perspective nouvelle sur la vie.