De récentes données du Pew Research Center démontrent que près de la moitié des adultes des États-Unis ne sont pas mariés, et que la moitié de cette population n’est pas intéressée à rencontrer un ou une partenaire. Malgré tout, le fait d’être dans une relation, et, ultimement, de se marier, continue de faire partie des attentes de la société. Selon Peter McGraw, professeur de marketing et de psychologie à la Leeds School of Business, cette enquête jette un éclairage sur une transformation importante, soit que la culture américaine est en plein changement, et que les individus sont de moins en moins dépendants d’une relation de couple.
Malgré tout, dit-il, la hiérarchie sociale basée sur le statut marital demeure bien présente.
« Mes travaux indiquent que cette hiérarchie peut être dommageable pour les personnes qui ne sont pas à l’aise dans une relation de couple », indique M. McGraw. « La vie ne devrait être perçue comme étant meilleure parce que vous êtes en couple, elle devrait simplement être vue comme étant différentes. »
M. McGraw, qui est connu pour ses études sur l’humour, est l’un des premiers spécialistes à s’intéresser de façon scientifique aux personnes seules. Lui-même célibataire, il est devenu un défenseur de la vie en solo, une vie qu’il encourage à vivre de façon « remarquable ».
« Il existe 128 millions d’adultes américains qui ne sont pas mariés, et 25% des milléniaux ne vont jamais se marier, selon les prévisions », dit-il. « Il est temps de changer les façons de faire. »
Une croissance du nombre de célibataires
Ce boom de la population célibataire n’est pas attribuable au fait que les gens sont simplement anti-mariage, précise le chercheur. Des données économiques font état d’une amélioration du bien-être, notamment en matière d’accès à l’éducation, ainsi que d’une multiplication des opportunités économiques et du filet social. Le tout permet aux Américains de s’éloigner davantage de la tradition.
Cette tendance est même détectable chez ceux et celles qui finissent par se marier: des données du recensement, aux États-Unis, révèlent que l’âge moyen où convoler en justes noces, en 2020, était de 30 ans chez les hommes et 28 ans chez les femmes, en hausse marquée depuis l’an 2000, où les hommes se mariaient généralement à 27 ans, et les femmes à 25. L’âge moyen d’un premier mariage est en hausse constante pour les deux sexes depuis 1970.
« Ce que cela laisse entendre, c’est que les gens sont en mesure d’agir davantage selon leurs propres désirs et objectifs », indique M. McGraw. « Certaines personnes considèrent le déclin du mariage comme étant associé au déclin de la société, mais je vois le contraire. »
Malgré tout, il y a encore des obstacles à surmonter si l’on souhaite vivre en solo, particulièrement pour les communautés noire et LGBTQ+, qui sont déjà marginalisées, et qui représentent une partie disproportionnée de la population célibataire, au pays de l’Oncle Sam.
L’un des défis les plus importants est l’accès à la propriété. Un rapport de 2021 de la National Association of Realtors estime qu’il manque 5,5 millions de logements, aux États-Unis, pour répondre aux besoins de la population. Les prix des maisons ont également augmenté de façon exponentielle, particulièrement depuis le début de la pandémie: la Federal Housing Finance Agency fait état d’une hausse de 17,4 % des prix domiciliaires entre le deuxième trimestre de 2020 et le deuxième trimestre de 2021.
Aux yeux de M. McGraw, la hausse des prix, combinée au manque d’offre, n’augure pas bien pour les personnes célibataires.
« La moitié de la population américaine est célibataire, n’a qu’un seul revenu, mais acheter une maison, aujourd’hui, est vraiment conçu pour une famille à deux revenus », affirme-t-il. « Le zonage résidentiel priorise encore les maisons unifamiliales, qui sont très dispendieuses, comparativement aux unités résidentielles pensées pour les célibataires – comme des condos et des espaces partagés qui réduisent les coûts et créent un sentiment d’appartenance à la communauté. »
Les célibataires sont par ailleurs davantage portés à acquérir des animaux de compagnie comme partenaires, ou sont en mesure de voyager plus fréquemment, deux aspects qui remettent en question l’architecture traditionnelle des environnements de travail, poursuit M. McGraw.
Le point de vue d’un célibataire
Le fait de se concentrer sur les couples est si intégré dans notre vie de tous les jours que nous ne le remarquons même plus: les deux sièges à l’avant d’une voiture, les rabais pour famille à la salle d’entraînement, les repas préparés conçus pour les couples et les familles, les tables de restaurant presque toujours conçues pour accueillir au moins deux personnes, etc.
Ce sont ces caractéristiques de la société qui contribuent à la façon dont nous voyons les personnes célibataires, dit M. McGraw. Selon lui, les entreprises peuvent aider à briser ce moule en offrant davantage d’attention à la population célibataire.
« Bien des compagnies sont en concurrence féroce entre elles pour obtenir l’argent des mêmes personnes parce qu’elles s’appuient sur des idées erronées à propos de ce dont les gens ont besoin. Elles tentent de trouver des marchés qui sont sous-développés, mais oublient de penser aux 128 millions de personnes qui forment le marché des célibataires. »