Si la tendance se poursuit, l’humanité peut espérer limiter la hausse des températures planétaires à 1,8 degré d’ici la fin du siècle. Non, plutôt 2,2 degrés. Ou plus probablement 2,4 degrés. À moins que ce ne soit 2,7 degrés. Qui dit vrai?
Toutes ces prévisions se sont entrechoquées pendant la dernière semaine de la conférence annuelle sur les changements climatiques (COP26). Les plus « optimistes » ont semblé signifier qu’avec les nouvelles promesses déposées par les principaux pays pollueurs, on était sur la bonne voie. Tandis que les plus « pessimistes » ont semblé signifier qu’il y avait encore beaucoup de chemin à faire pour éviter les scénarios catastrophes de la fin du siècle. Mais qu’est-ce qui explique que, face aux mêmes promesses, différents calculs arrivent à des résultats aussi différents?
Leur problème est qu’ils ne calculent pas la même chose. Ainsi:
- l’Agence internationale de l’énergie, qui avance l’optimiste 1,8 degré, se base sur l’hypothèse selon laquelle toutes les promesses à court terme (grosso modo, les cibles de réduction fixées pour 2030) et toutes les promesses de neutralité carbone (dans la plupart des cas, en 2050) seraient respectées; elle prend de plus en compte les promesses de réduction du méthane, cet autre gaz à effet de serre dont on parle moins souvent;
- le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), avec ses 2,2 degrés, ne prend pas en compte le méthane, considérant qu’il s’agit de promesses dites « transversales », c’est-à-dire qui peuvent dédoubler les promesses plus générales de réduction des GES;
- le Climate Action Tracker (CAT), un organisme allemand à but non lucratif, arrive à 2,4 degrés, parce qu’il ne se base que sur les cibles de 2030, considérant que celles de 2050 sont trop lointaines;
- quant au pessimiste 2,7 degrés, qui était la projection avant les nouvelles promesses présentées à la COP26, il repose lui aussi sur le fait de ne calculer que 2030; le problème avec l’hypothèse d’une neutralité carbone en 2050 est que ces trois décennies laissent une immense marge d’erreur pour la quantité de carbone qui se sera entretemps accumulée dans l’atmosphère; une accélération des réductions de GES dès 2030, ou seulement après 2040, fait en effet toute la différence.
Chacune de ces projections repose de toutes façons sur des marges d’erreur; comme l’illustre le CAT (graphique ci-dessus), ces projections reposent sur les probabilités de succès (ou d’échec) des promesses déposées par les différents pays. Et il ne s’agit pas que d’un pari qui est fait, en présumant par exemple que tel pourcentage des pays respecteront leurs promesses: le CAT va plus loin, en évaluant dans son dernier rapport que, sur 40 pays dont les promesses de neutralité carbone ont été analysées, seulement quatre présentent des cibles « acceptables », quatre « moyennes » et quatre « pauvres ». Les 28 autres offrent si peu de détails sur leur stratégie pour arriver à la neutralité carbone en 2050 qu’ils ont dû être classés sous « information incomplète ».