D’excellentes terres agricoles que l’on décide de détruire, à jamais, en les recouvrant de plusieurs couches d’asphalte, ou encore en y construisant des maisons, voire des quartiers complets: face à l’accroissement de sa population, et devant l’absence de volonté des pouvoirs publics pour limiter l’étalement urbain, voilà que les lieux où produire ce que l’on mange se réduisent comme peau de chagrin. Le très bon (et inquiétant) Québec: terre d’asphalte s’intéresse à ce phénomène toujours plus d’actualité.
Réalisé par Hélène Choquette, selon une idée originale de Nicolas Mesly, le documentaire s’attaque à une question déjà bien connue: celle de l’étalement urbain. Un dossier dont le corollaire touche aussi les revenus des municipalités, très largement dépendantes des taxes foncières, et donc, ultimement, du développement urbain. Que ce soit la transformation de logements en condos, à Montréal et dans les autres municipalités largement développées, ou la construction de nouvelles maisons dans les villes de banlieue et de campagne, le développement immobilier a le dos large, bien souvent au détriment des agriculteurs.
Car ils sont toujours là, ces gens qui travaillent la terre et tentent de produire suffisamment d’aliments pour nourrir une population toujours plus nombreuse, surtout dans la grande région métropolitaine. Et après de nombreux reportages sur le côté « municipal » de cet enjeu, Mme Choquette et M. Mesly ont plutôt choisi de donner la parole aux cultivateurs, eux qui sont parfois là depuis des siècles, un peu comme les Forget, à Laval, qui s’exprimeront à propos de leur relation tendue avec le voisinage.
Que restera-t-il de nos terres agricoles, une fois qu’elles auront été vendues au plus offrant, ou que les installations auront dû fermer, faute de revenus suffisants pour payer les loyers exorbitants découlant de la spéculation foncière, une spéculation sans surprise directement alimentée par les promoteurs immobiliers, qui souhaitent ultimement un dézonage des terres pour permettre la construction de maisons et de commerces?
Il y a beau exister une loi qui empêche l’utilisation de terres agricoles à d’autres fins, le gouvernement peut toujours décider d’en dézoner certaines parties, possiblement à la suite de l’insistance des autorités municipales. Et comme les instances chargées d’éviter les dérapages et les incartades ne peuvent compter que sur une poignée d’inspecteurs…
Bien entendu, on peut espérer que le gouvernement Legault, qui travaille actuellement à la mise au point de sa Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires, saura poser les bons gestes pour protéger les meilleures terres agricoles du Québec, c’est-à-dire celles qui se trouvent dans le Grand Montréal. En attendant, la lente érosion semble vouloir se poursuivre, entraînant du même coup la disparition, morceau par morceau, de non seulement un pan de notre histoire, mais aussi de notre capacité à produire des aliments frais, sains et locaux.