Dans une ville de Gotham gangrenée par le crime, le jeune procureur Harvey Dent cherche à tout prix à faire tomber Carmine Falcone, l’un des grands chefs de la pègre. Cette quête se transformera en bain de sang dans The Long Halloween, une adaptation cinématographique en deux parties de la célèbre série de BD de la fin des années 1990.
Il y a assurément quelque chose d’étrange, chez DC, avec cette fascination pour l’origine des superhéros… et des méchants. Bien entendu, personne n’y échappe, que ce soit chez DC ou chez Marvel, notamment avec le soporifique Black Widow, mais puisque chez DC, on a parfois tendance à exploiter, voire surexploiter le contexte des aventures du Justicier masqué – Batman chez les ninjas, Batman dans le Londres de l’époque victorienne, etc. –, sommes-nous surpris de constater que l’on nous offre de nouveau un, ou plutôt deux longs-métrages racontant les débuts des aventures de Batman, mais surtout l’origine de Two-Face?
Ironiquement, et même paradoxalement, le choix de porter à l’écran cette série de 13 bandes dessinées publiées entre 1996 et 1997 après avoir déjà offert tant de déclinaisons de l’histoire de Batman risque de desservir l’œuvre.
En effet, celle-ci, qui se déroule au début des aventures masquées de Bruce Wayne, sert en quelque sorte de socle moral sur lequel s’appuie une bonne partie des péripéties subséquentes de la double vie du bien connu milliardaire.
Dans une ville tenant bien plus largement du décor de films de gangsters des années 1930, voire de l’hommage au Parrain, avec ses gratte-ciel et ses voitures d’époque, malgré les quelques touches de technologie ici et là, The Long Halloween s’abreuve clairement de l’hémoglobine de ses personnages. On y meurt avec l’effarante efficacité d’un métronome, et même si Batman et Jim Gordon font équipe, les forces du Bien sont rapidement dépassées par l’affaire. Qui est donc Holiday, le mystérieux tueur? Se pourrait-il que le procureur bien en vue cache un lourd secret?
Les amateurs de la trilogie de Christopher Nolan reconnaîtront bien sûr de grands pans de l’histoire de cette série transposée en films d’animation, Carmine Falcone occupant la majeure partie du premier film, tandis qu’Harvey Dent est la coqueluche du deuxième titre. Et la chose peut se comprendre, tout comme il est simple d’expliquer pourquoi Chris Palmer a réalisé les deux films sortis en un mois et des poussières, cette année.
Batman a ainsi toujours été plus intéressant lorsque notre héros doit surmonter des obstacles moraux. Au-delà de la simple bagarre avec le méchant du jour, le « plus grand détective du monde » doit régulièrement être confronté à des idéaux moraux qui peuvent rapidement s’avérer problématiques, sans quoi sa prise de position devient rapidement ennuyante.
Et The Long Halloween est exactement cela: faut-il protéger un chef criminel notoire contre un assassin qui « nettoie » les rues de Gotham? Et qu’en est-il des représentants de la justice « officielle »? Jusqu’où a-t-on le droit de fermer les yeux, ou d’emprunter des raccourcis pour parvenir à ses fins?
Avec davantage de débats philosophiques et éthiques que de foires d’empoigne avec les méchants habituels, même si foires d’empoigne il y a, les deux films d’animation explorent plus en profondeur quelque chose qui aura en quelque sorte été réduit à sa partie congrue dans les films de Nolan. Ou, plutôt, Christopher Nolan a choisi de se concentre sur le Joker, personnage tout aussi moralement problématique qu’Harvey Dent, mais sous un angle largement différent.
The Long Halloween est une version tout à fait réussie de la déclinaison des 13 bandes dessinées des années 1990, et une vision des combats moraux des hommes de Bien de Gotham qui est à mettre entre toutes les mains, que les cinéphiles soient ou non déjà amateurs de cet univers sombre.