Ni guide, ni maître de cérémonie pour ce spectacle d’improvisation à six. À chacune des représentations de Parc, le spectacle offert devant public sur la scène du théâtre des Écuries, les six artistes découvrent – en même temps que les spectateurs – une scénographie qui leur a été préparée et au sein de laquelle ils devront évoluer quelque 90 minutes. C’est dire que l’improvisation est portée à son comble. Le travail des artistes s’effectue sans filet. Ils pénètrent sur la scène sans rien savoir de ce qui les attend ou de ce qu’ils feront. Ni texte, ni décor, ni entente préalable ne guide leur prestation.
Et pour les spectateurs, pourtant, c’est à une succession de scénettes cohérentes et dialoguées, mises en musique, parfois chantées et dansées, et très bien interprétées, qu’ils assistent. Des tranches de vie heureuses ou malheureuses, dont le point commun est qu’elles sont extrêmes et significatives: grande déclaration d’amour à laquelle l’autre ne s’attendait pas, braquage violent, blessure par balle et mort évitée de justesse, trahison et mensonge, accident tragique, rencontre bouleversante… avec des retournements qui font rire ou sourire, qui surprennent et qui secouent toujours.
Le metteur en scène et directeur artistique des Productions de L’Instable participe au spectacle avec ses cinq acolytes (Félix Beaulieu-Duchesneau, Anne-Marie Binette, Amélie Geoffroy, Cynthia Trudel et Dominiq Hamel qui s’occupe aussi de l’ambiance musicale improvisée). Frédéric Barbusci a imaginé cette nouvelle forme d’impro qui fait penser aux jeux des enfants, lorsqu’ils s’élancent au milieu des modules d’un parc aménagé pour eux. Et c’est peut-être ce qui a guidé sa pensée.
Lorsque j’ai assisté au spectacle (et redisons que celui-ci est unique à chaque représentation), des tables avaient été aménagées par la scénographe Odile Gamache pour former toutes sortes de modules avec passages, ponts, tunnels et autre plan incliné…
Au tout début, les artistes découvrent les lieux en courant et jouant silencieusement et individuellement dans ce dédale d’objets. Puis ils se regroupent un peu en s’imitant, se poursuivant, se cherchant… mais toujours silencieusement. Quand enfin, du côté de la scénographie, l’éclairage se transforme sous la direction de Julie Basse, c’est là qu’ils commencent à prendre la parole et à improviser des scènes à deux, à trois, à six… dans un dialogue constant entre eux, en utilisant le décor qui les entoure et en y ajoutant parfois du chant et de la musique.
Différentes situations limites sont instantanément imaginées par les artistes dans leurs corps et à travers leurs dialogues. Ils interagissent et se répondent les uns les autres en utilisant ce qui vient de se passer chez l’autre, ce qu’il a dit, ce qu’il a inventé dans l’immédiateté. Toutes les situations sont possibles. Ce sont celles de la vie, celles qui contraignent chacun d’entre nous à dire, à agir, à faire ce qu’il n’a jamais prévu ou préparé, imaginé même qu’il pourrait vivre un jour. Cette proposition d’improvisation est un peu le reflet du jeu de la vie, mais condensé en un grand nombre de situations et sur un temps très court.
Comme les artistes, nous ne sommes jamais préparés à ce qui nous arrive et qui engage les limites de notre être. Être spectateur de ces situations inattendues au sens plein du terme, dans le confort de notre fauteuil, produit des secousses d’émotions et donne à réfléchir sur le jeu que nous jouons tous comme acteurs de ce que nous réservent nos propres vies.
Parc, des Productions de l’Instable. Présenté au Théâtre Aux Écuries du 25 juin au 3 juillet 2021.