Quelle étrange – et imparfaite – oeuvre que cette série Cursed, une nouvelle version de la légende d’Arthur et d’Excalibur, l’épée permettant de devenir roi d’Angleterre. Avec une déclinaison résolument plus moderne et féministe, Netflix propose un produit télévisuel intrigant, mais dont les ficelles sont parfois grossières.
Dans une Angleterre libérée depuis un certain temps de l’Empire romain, voilà que les Fey, peuples en apparences autochtones, avec leur forte diversité et leurs pouvoirs magiques, sont pourchassés et massacrés par les troupes de l’Église catholique, emmenés par le cruel père Carden et son mystérieux (et dangereux) Moine pleureur. Au même moment, le roi Uther Pendragon, indécis et lâche, est incapable de contenir les troupes de l’Église, les Paladins rouges.
C’est justement en fuyant son village incendié par les paladins que Nimue, une jeune femme appelée à devenir la Dame du Lac dans la légende arthurienne, et qui était déjà ostracisée pour avoir survécu à une attaque de démon dans son enfance, mettra la main sur une épée magique. Cette épée, Excalibur, lui est confiée par sa mère, qui lui commande d’aller la remettre à Merlin l’enchanteur.
En chemin, Nimue rencontrera Arthur, ici un mercenaire relativement brave, mais sans le sou, et sans véritable honneur, qui veut venger comme il peut la mémoire de son père, tué par des bandits pour une broutille.
Tous nos principaux acteurs géopolitiques d’une Angleterre faible et déchirée – les Fey déracinés qui cherchent à se regrouper autour d’un symbole ancestral de pouvoir, Uther Pendragon désireux d’asseoir son autorité, l’Église cherchant à toujours accroître son pouvoir, et même un roi viking cherchant à détrôner Uther – voudront mettre la main sur Excalibur. Y compris Merlin, ici sans pouvoirs, mais rusé comme un renard, qui souhaite lui aussi acquérir l’épée, mais pour la détruire, cette fois.
Des influences audacieuses
Tenant à la fois de Game of Thrones, du Seigneur des Anneaux et de sa propre histoire plusieurs fois centenaire, Cursed est autant plus et moins que la somme de ses parties. La série a beau être produite par Netflix, il est clair que l’entreprise américaine n’avait pas les poches aussi profondes que celles de HBO lorsqu’est venu le temps d’adapter l’oeuvre de George R.R. Martin. De fait, les décors, les personnages, les effets spéciaux… tout est en nombre limité, et il arrive, au moins une fois ou deux par épisode, que quelque chose cloche à l’écran. Cela peut-être un acteur qui joue mal, un effet d’animation à l’ordinateur qui aurait mérité plus d’amour, ou encore une ligne de dialogue qui tombe à plat.
Cela étant dit, les créateurs de la série, dont Frank Miller, responsable des romans graphiques Sin City, 300 et Batman: Dark Knight, entre autres classiques, s’en donnent à coeur joie pour faire de la série un maelstrom d’influences, de références mythologiques et de personnages aux destins qui s’entrechoquent. Ce n’est pas seulement Arthur, pur et noble, qui retire Excalibur d’un rocher. C’est une femme incarnant la lutte des premiers peuples, dans une référence évidente au combat contre les ravages contre le colonialisme; c’est une distribution diverse, avec des acteurs blancs, noirs, hispaniques et asiatiques, le tout dans l’Angleterre médiévale; c’est la Table ronde, oui, mais aussi des divinités galloises, des références aux religions dites païennes…; c’est une réflexion sur l’idéologie religieuse extrême, sur le fanatisme menant à la violence et au génocide. Et c’est aussi une histoire sympathique mêlant magiciens, monstres et humains ordinaires.
On aurait certainement apprécié que le féminisme des personnages principaux soit encore plus renforcé – on a parfois l’impression que l’émancipation n’a été accomplie qu’à moitié, notamment, et que les hommes sont encore nécessaires pour sauver la mise –, mais dans l’ensemble, Cursed est un divertissement qui… eh bien, qui divertit! Ni une grande oeuvre, ni un ratage, la série se laisse écouter, et on se prend à attendre la suite avec impatience.