Tom Hooper a toujours eu la main heureuse auprès des critiques, des institutions et des cérémonies de prix, au grand dam des spectateurs qui ont de plus en plus de la misère à le suivre dans ses ennuis, depuis la victoire discutable de The King’s Speech. Son adaptation inattendue, indescriptible et désormais inoubliable de la comédie musicale Cats, qui s’avère en toute coïncidence son premier scénario, est maintenant assuré de ternir sa carrière à jamais.
C’est un fait: l’un des piliers de Broadway demeure la comédie musicale Cats, sympathique folie fanfaronne aux costumes flamboyants et aux maquillages aussi épatants que l’émission pour enfants Cornemuse, et de laquelle a surgit le méga hit Memory.
Ce fut l’un des spectacles qui a duré le plus longtemps et une version spécialement préparée pour les caméras, sans pour autant se départir de la nécessité de la scène, a déjà eu lieue il y a déjà deux décennies.
Malheureusement pour Andrew Lloyd Webber, du haut de ses soixante-dix ans et quelques, qui en plus de superviser cette adaptation a d’ailleurs aussi composé des nouvelles chansons pour l’occasion, en plus de co-écrire la chanson du générique Beautiful Ghosts avec Taylor Swift, question de se rendre aux Oscars, son méga-succès risque de représenter quelque chose de nouveau dans l’imaginaire de tous.
Il aura fallu, en fait, que Tom Hooper décide de s’en mêler. Après le succès moins éclatant de The Danish Girl, il a décidé de revenir à ses envies chantées pour repousser les limites des adaptations de comédies musicales. Si Les misérables se vantait d’enregistrer sur place en studio, voilà qu’il a décidé ici de ne pas donner dans le film d’animation traditionnel et d’y aller d’une approche « réaliste » de cette éclatante distribution, dans la peau des félins.
Non, la technique entrevue dans les bandes annonces qui ont terrorisé le monde entier n’est décidément pas mieux dans le film final. Ce mélange traumatisant de corps humains poilus et de visages emprisonnés dans des têtes de chats, dérivé certains de ce qu’on appelle communément des « furries » dans les mangas et plusieurs fétiches discrets, capte le regard et se situe du côté des chocs psychologiques sévères que notre cerveau n’est pas prêt d’oublier de sitôt.
Sans aucune compréhension de l’animal autant que de l’être humain, carrément dans le champ en matière de textures, des gestes (une petite lichette ici et là n’est certainement pas suffisant) et des proportions (il faut les voir sur un chemin de fer pour s’en trouver encore plus confus), le film n’arrive jamais à dépasser la phase de l’interrogation qui nous habite dès les premières secondes. Comment un film de ce genre a-t-il pu se rendre aussi loin sans que personne ne parvienne à aucun moment d’empêcher cette catastrophe? Comment un projet aussi important est-il soudainement devenu une telle abomination? Et surtout, comment autant de noms prestigieux se sont-ils laissés convaincre d’apparaître dans ce désastre?
Bon, Judi Dench, on peut comprendre. Elle a un attachement particulier à la pièce, comme elle est passé à deux doigts d’en joindre la distribution originale à Londres, et ce projet-ci lui permettait de refaire équipe avec le scénariste Lee Hall, qui avait aussi offert Victoria & Abdul. Non, elle ne chante pas particulièrement mieux que dans Nine, mais ce n’est rien à comparer à Ian McKellen, qui a de quoi rivaliser avec les grognements insupportables de Russell Crowe dans Les misérables.
Jennifer Hudson, on peut également justifier sa présence, parce qu’elle n’a jamais vraiment réussi à retrouver la popularité obtenue avec Dreamgirls tout de suite après American Idol, mais sa performance vulnérable manque de panache et son interprétation de la chanson que tout le monde attend, bien que puissante à ses heures, n’a rien pour faire oublier Barbra Streisand ou même Betty Buckley et toutes celles passées avant elle.
Bien sûr Taylor Swift, qui poursuit ses petits rôles aux grand écran après Valentine’s Day et The Giver, est probablement celle qui s’amuse le plus alors qu’on a certainement vu Rebel Wilson et James Corden plus inspirés que de danser avec des souris et des coquerelles avec des visages d’humain (faut le voir pour le croire) ou à chanter toute une chanson dans des poubelles et des déchets. Comme quoi ils avaient davantage la chance de rayonner dans les mésestimés Into the Woods ou les Pitch Perfect.
Toutefois, avec son rôle aucunement développé de méchant, Idris Elba doit vraiment essayer de changer d’agent puisque ses choix discutables de carrière n’en finissent plus. C’est d’autant plus frappant lorsqu’il retire son manteau de fourrure pour se mettre à nu devant nous, dans son one-piece sans parties génitales apparentes.
Pour le reste, c’est d’une monotonie et d’un ennui abyssal. Sans enjeu narratif et sans véritables motivations que d’assister à cette succession de numéros musicaux dignes d’un gala Méritas du secondaire, on veut fuir à chaque instant.
Surtout que la mise en scène n’est aucunement relevée dans ces décors sans queue ni tête (aucun humain apparent dans ce Londres où presque personne ne parle avec un accent accompagné de références aux chats, comme le Milk Bar), que les chansons n’intéressent malheureusement personne (après tout, ce sont des poèmes intemporels de T. S. Eliot qu’on a mis en musique), et que les chorégraphies sont sans intérêt. On a ici et là espoir que l’ensemble finisse enfin par lever, comme durant un numéro de claquettes, mais c’est avoir trop d’espoir que de ne pas prévoir qu’ils parviendront à gâcher la sauce avant même de la relever.
Outre une insistance de la magie, on ne tire jamais avantage à la fois des possibilités du septième art en comparaison des limitations de la scène, ou même de l’animation, pour utiliser le medium comme d’un terrain de jeu pour repousser les possibles, se contentant d’essayer de raviver le côté scénique de l’oeuvre sans aucune passion ni aucun doigté.
Horrible et sans public apparent (aucune famille ne veut faire subir cette chose à ses membres, parents et enfants inclus, durant le temps des Fêtes, alors que les fans du spectacle original sont à coup sûr de se frapper au mur d’une immense déception), on ne peut qu’imaginer l’un des plus grand échec de l’année, si ce n’est d’Hollywood. En attendant de voir ce qui pourra bien se passer (on ne s’attend pas à un niveau de culte du type The Room, quand même), on essaiera d’ici là de retrouver la force de dormir en paix en fermant les yeux sans revoir cette horreur qui ne semble pas capable de se déloger de notre esprit.
1/10
Cats vient traumatiser les salles dès ce vendredi 20 décembre.