Ito Shiori a été violée. La jeune femme, fort probablement droguée, a été agressée sexuellement et violée par un journaliste haut placé auprès de qui elle avait demandé des conseils pour décrocher un poste. Confrontée à un système judiciaire où tout semble encore à faire pour s’attaquer à ces crimes sexuels, Mme Shiori signe La boîte noire, le témoignage brutal de son parcours du combattant.
Si le mouvement #metoo est supposé avoir libéré la parole des femmes victimes d’agressions – et le nombre de dénonciations a effectivement augmenté dans la foulée de l’affaire Weinstein, par exemple –, tout n’est pas rose ailleurs dans le monde. Outre la « liberté d’importuner » que réclamaient plusieurs actrices françaises, le modèle japonais, où la justice est bien souvent expéditive, comme l’indiquait Jake Adelstein dans J’ai vendu mon âme en bitcoins, et où les femmes sont encore trop souvent considérées comme des citoyennes de seconde zone, fait bien piètre figure par rapport à certains pays occidentaux.

Confrontée à une structure policière plus que rigide, qui fonctionne selon des procédures archaïques, Mme Shiori constatera, à son grand effroi, que son agresseur, N. Yamaguchi, a ses entrées auprès du premier ministre Shinzo Abe, et qu’une première tentative d’arrestation a été annulée au dernier instant par une personne haut placée dans la hiérarchie policière. De là à penser qu’il existe un système pour faire taire ce genre de crimes lorsque les criminels sont des amis du pouvoir, il n’y a qu’un pas que l’on franchira fort rapidement.
Méthodique, minutieuse, l’auteure raconte son parcours, ses démarches, en plus de tracer un portrait de la situation ailleurs dans le monde. Comment cela se fait-il que l’on rapport 50 fois plus de viols en Suède qu’au Japon? Certainement pas parce que les Japonaises sont 50 fois moins victimes de viol…
Désireuse de se battre jusqu’au bout, Ito Shiori ira même jusqu’à organiser une conférence de presse pour dénoncer publiquement son agresseur. Conspuée par une société encore trop conservatrice, elle recevra même des menaces de mort. Voilà donc pourquoi elle décida ultimement de publier son récit dans La boîte noire. Sans fioritures, le livre est un long compte-rendu des obstacles que la société patriarcale et misogyne japonaise tente de placer sur la route de la jeune femme. On en ressort ébranlé, en colère, ulcéré par toute cette volonté de passer le phénomène du viol sous silence. Comme quoi la société humaine a encore besoin de progresser…
La boîte noire, d’Ito Shiori, publié aux Éditions Picquier, 223 pages.
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