Entre tragédie et comédie, la condition humaine se réduit à quasi niente, rien ou presque. Devant le mutisme du monde et le non-sens de la vie, l’angoisse est souvent au rendez-vous. Avec Quasi Niente, présenté au Festival TransAmériques, les deux artistes italiens Daria Deflorian et Antonio Tagliarini présentent une œuvre théâtrale inspirée, dédiée ou tout du moins qui se réfère au film d’Antonioni, Le désert rouge, dans lequel une femme manifeste son désarroi face à l’insurmontable difficulté de vivre et de se lier aux autres.
« Comment parvenir à dire? Dire une chose sincèrement? Je n’ai pas la force. Chez moi, les mots s’arrêtent là, derrière la bouche. Je n’y arrive pas ». La trentenaire confesse son mal-être au public. Sans doute celui-ci a-t-il le privilège d’accéder à ses pensées puisqu’elle ne parvient pas à dire.
La sexagénaire, ou presque, qu’elle sera devenue aura utilisé des stratégies alternatives pour s’en sortir et survivre. Parler, beaucoup parler. Jouer différents rôles dans la vie. Mais l’effet ne sera pas meilleur. L’angoisse de la maladie. L’angoisse de se soigner comme il faut pour ne pas provoquer la maladie en voulant l’éloigner. Le sentiment d’être le jouet d’une force supérieure à qui l’on promet de se comporter exactement comme il convient alors que l’on sait bien qu’on en est incapable. Le manque intrinsèque à l’humain que l’on voudrait combler et qu’on n’arrive pas à dépasser.
Cinq personnages sur la scène dans un décor dépouillé. Trois femmes à trois âges de la vie, mais qui sont en fait la même personne, face aux deux hommes qui font référence au film. Dans l’univers de ces personnages, quelques objets comptent, permettent de se rattacher à un passé, quelque chose de tangible. Un fauteuil rouge un peu déglingué trouvé sur un trottoir, deux chaises, un reste d’armoire, une commode avec des tiroirs.
L’œuvre parle de théâtre, de cinéma, et surtout de la difficulté de vivre. La femme est en dépression. Mais qui ne l’est pas à un moment ou à un autre? Les personnages sont attachants, drôles dans leurs réflexions poignantes. On n’a aucun mal à s’y projeter. Des intermèdes musicaux ou chantés ajoutent à la délicatesse du propos général.
Quasi niente est une œuvre subtile et intelligente, une intelligence qui passe par les émotions que les acteurs dans leur texte et leur jeu délicat transmettent au public.
Quasi niente, du 23 au 25 mai 2019, à l’Usine C. En italien avec surtitres français et anglais.
Un spectacle de Daria Deflorian + Antonio Tagliarini
Interprétation: Francesca Cuttica, Daria Deflorian, Monica Piseddu, Benno Steinegger, Antonio Tagliarini
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