La carrière du réalisateur Jonathan Levine peut sembler anodine, mais l’audace apparaît pourtant partout dans sa filmographie. Il n’est pas surprenant, donc, de voir son délirant Long Shot surpasser toutes les attentes, pour s’avérer être l’un des films les plus amusants et réussis de l’année.
Outre un tournant féministe plutôt appuyé, mais certainement rafraîchissant, le film possède une ambition certaine, ambition qui ne serait pas la qualité première que l’on s’attendrait à retrouver dans une comédie comédie romantique somme toute conventionnelle.
Pourtant, de la part de celui qui a abordé la romance sur fond d’épidémie de zombies avec le discutable Warm Bodies, également tourné à Montréal, tout comme l’amitié et la fraternité sous toutes ses formes, c’est ici qu’on retrouve de loin sa proposition la plus grandiloquente, ne tenant qu’à un fil d’être son meilleur film.
Levine, qui n’a jamais offert un film inintéressant (trop peu de gens ont vu The Wackness malheureusement), persiste et signe en étant pleinement conscient de ses éléments gagnants, et en renouant ainsi avec le toujours très hilarant et intuitif Seth Rogen (avec qui il a pu livrer son extraordinaire 50/50, la brillante comédie dramatique sur le cancer, tout comme le décapant The Night Before, qui déjouait les tropes habituellement sacrés du film de Noël).
Ce faisant, le réalisateur dépoussière également une excellente trame sonore incluant le closer mix de Close to Me de The Cure, en plus de sortir des boules à mite le groupe Boyz II Men, notamment, tout en dosant toujours aussi admirablement l’absurde et le plus personnel.
Certes, l’humour cru trouve également son compte dans ce film, et la subtilité en prend souvent pour son rhume. L’histoire nous vient après tout de Dan Sterling, qui a écrit le fameux The Interview, mais d’avoir fait appel à Liz Hannah pour co-écrire le tout, elle sortant tout droit du Post de Spielberg, permet une approche à des milles de la comédie frivole par excellence, ainsi qu’un développement nuancé et appliqué non seulement de l’histoire, mais aussi de ses amusants et attachants personnages.
Sauf que trop, c’est par moment effectivement trop et en abusant de son rythme, le film frôle après tout les deux heures.
L’oeuvre finit par se perdre un peu et à ne pas parvenir à conserver entièrement son assurance, pourtant pratiquement infaillible dans sa première partie. C’est après tout le long-métrage le plus long de son réalisateur et une part du montage a été assuré par Melissa Bretherton, qui a collaboré avec Paul Feig et Adam Mckay, plutôt familiers avec les comédies qui ne prennent pas leur durée à la légère.
Il ne faut toutefois pas bouder son plaisir. Long Shot est non seulement grandement de son époque, mais en plus, il pourrait difficilement être plus divertissant. Les situations amusantes se multiplient, les répliques cinglantes coulent à flot et, surtout, l’essentiel, la distribution est carrément brillante. Non seulement la chimie entre Charlize Theron et Seth Rogen fonctionne comme on n’aurait jamais pu l’espérer, tous deux étant d’un naturel des plus désarmant, mais également, toutes les apparitions, des cameo jusqu’aux personnages secondaires, à l’exception peut-être d’une tentative plus ou moins réussi de nous refaire le coup de Tilda Swinton dans Trainwreck, sont habituellement jouissives.
Bon, O’Shea Jackson Jr. est peut-être un peu plus limité dans ses capacités en comparaison à ses collègues, mais la pince-sans-rire June Diane Raphael et le cabotin Ravi Patel nous font définitivement espérer de les voir davantage à l’écran. Bob Odenkirk est toujours magnétique et le toujours surprenant Alexander Skarsgaard éclipse littéralement tout sur son passage, dans son interprétation jouissive du premier ministre canadien, impressionnant accent à l’appui.
Pour le reste, l’histoire n’invente rien. Un homme et une femme d’une autre époque se retrouvent dans de nouvelles circonstances; l’une aspire à la présidence et l’autre à suivre ses propres convictions, pourtant, la vie mérite-t-elle seulement d’être vécue s’il n’y a personne avec qui partager les bons et les moins bons moments?
Partant de cela, les critiques politiques, tout comme celles de notre modernité, sont évidemment de la partie; les références culturelles également, un peu comme Apatow et sa bande aiment si bien le faire, mais le côté romantique n’est jamais délaissé non plus. Oui, on a vu régulièrement des hommes à la merci de femmes en contrôle de leurs romances, que ce soit dans (500) Days of Summer, Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou autres exemples du genre, mais ce n’est jamais une mauvaise chose de virer le concept de bord et de laisser le beau rôle à la gent féminine. Une femme brillante, intelligente et ambitieuse qui souhaite poursuivre ses rêves? On n’y dira jamais non et le film ne se fait pas prier pour nous l’offrir sans concessions. Comme quoi le machisme et la misogynie ne passent certainement pas un bon quart d’heure ici.
C’est encore mieux aussi parce que, Rogen oblige, on va au-delà des apparences, et son pendant masculin n’est pas non plus qu’un simple bouffon ou un faire-valoir de service, mais bien un personnage qui y apporte une réflexion non-négligeable sur l’authenticité, l’intégrité et, au passage, ce qu’il semble demeurer du journalisme. Ce désir d’égalité, de contrôle, et bien sûr la confrontation inévitable de nombreux univers discordants (prémisse habituelle de nombreuses romances et amitiés imperturbables), ne font qu’ajouter à la justesse honorable de l’effort.
Long Shot est donc une jolie surprise. Un petit film léger, oui, mais également important et nécessaire pour ce qu’il inclut au passage, à travers ses allures de charmante proposition romantique quoique conventionnelle. Un film qui ne prend pas ses positions pour de la petite bière tout en ne prenant jamais son public pour acquis, désireux non seulement de le divertir, mais aussi de le satisfaire. Comprenant rapidement, à l’image de son union a priori impossible, mais à laquelle on croit sans mal, que chaque détail importe et que tout n’est jamais plus fort que s’il est indubitablement la somme de ses parties. Irrésistible, sans hésitation.
8/10
Long Shot prend l’affiche en salles ce vendredi 3 mai.
Never Look Away – Quand sensibilité et barbarie s’entrecroisent
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