Quatre épisodes, ces dernières semaines, révèlent que l’avenir de la vaccination se jouera peut-être devant des tribunaux… ou sur les réseaux sociaux. Et ces épisodes posent des questions sur la possibilité (ou non) d’établir un dialogue avec les éléments les plus extrêmes des groupes anti-vaccins.
1) Interdiction d’école aux enfants non vaccinés
Le 26 mars, le comté de Rockland, qui couvre des banlieues du Nord de la ville de New York, est peut-être devenu le premier de l’histoire des États-Unis à émettre une interdiction de 30 jours d’aller à l’école et dans des rassemblements publics, pour 6000 enfants non vaccinés. La décision suivait l’apparition d’au moins 150 cas de rougeole depuis octobre dans le comté — le total atteint aujourd’hui les 170, surtout dans les communautés juives orthodoxes, tandis que plus de 200 autres cas ont été signalés à New York.
Le vendredi 5 avril toutefois, un juge a temporairement imposé un moratoire sur cette interdiction, en attendant une audience devant le tribunal qui doit avoir lieu la semaine prochaine. Des parents ont en effet contesté la décision du comté, la qualifiant d’arbitraire et de « capricieuse ».
2) Arbitrage défavorable à la vaccination
Au même moment, à quelques centaines de kilomètres plus au nord, on apprenait par les médias qu’un arbitrage entre deux parents de l’Ontario avait tranché il y a quelques semaines en faveur de la mère, qui refusait de faire vacciner ses deux fils. Les parents étaient allés en cour parce que le père, lui, exigeait la vaccination.
L’arbitre en droit familial Herschel Fogelman, en plus d’intimer le père à payer les frais légaux (35 000 dollars) a écrit que de « choisir de ne pas vacciner n’est pas illégal, négligent ou immoral. C’est un choix personnel. » Son jugement a valeur légale, bien qu’il soit possible de faire appel. Pendant que cette cause était en arbitrage, les enfants auraient attrapé la coqueluche.
3) Menaces de mort contre deux médecins
Si la possibilité de voir la science se décider devant des tribunaux inquiète, il en est de même de la tangente prise par les mouvements anti-vaccination sur les réseaux sociaux. Un reportage de Radio-Canada révélait vendredi que deux femmes, la pédiatre Noni MacDonald en Nouvelle-Écosse — première femme à avoir dirigé une faculté de médecine au Canada — et Natasha Crowcroft en Ontario — directrice générale de la recherche appliquée en immunisation à Santé publique Ontario — ont reçu des menaces de mort pour leurs prises de position en faveur de la vaccination. Cela survient un mois après l’épisode du Pharmachien, que l’intimidation et les menaces ont conduit à mettre un frein à ses activités de vulgarisation.
Or, c’est par les réseaux sociaux que se nourrissent les plus virulentes de ces attaques. Les derniers mois ont confirmé à quel point l’effet « chambre d’échos » leur donne de la force: non seulement les membres de ces groupes peuvent ne lire que ce qui confirme leurs opinions, mais en plus, même des citoyens qui ne s’étaient jamais posé jusque-là de questions sur l’efficacité des vaccins trouvent, sur certaines plateformes, plus facilement des informations « contre » que « pour » la vaccination. En février et mars, des reportages ont ainsi confirmé qu’en dépit des efforts allégués par leurs directions, autant Facebook qu’Instagram affichaient encore de façon dominante des groupes ou des messages de désinformation.
D’autres reportages récents ont révélé à quel point ces attaques contre ceux qui défendent la vaccination — ou le contrôle des armes, ou l’immigration — sont coordonnées: ça commence sur un forum semi-privé (Facebook, Reddit ou autre), où des usagers lancent à leurs « amis » l’idée d’attaquer une personne et proposent « l’argumentaire » à employer, en plus d’identifier, si besoin est, son employeur ou un de ses proches… Plus le forum est populaire, plus les « attaquants » seront nombreux. C’est ainsi qu’aux États-Unis, certains ont choisi ces derniers mois d’attaquer publiquement des parents qui viennent de perdre un enfant, les accusant d’avoir eux-mêmes tué leur enfant.
4) L’étoile jaune
Dernier argument en lice des anti-vaccins: adopter l’étoile jaune que les Nazis imposaient aux Juifs il y a 80 ans, afin de symboliser la « persécution » dont « les parents » seraient l’objet de la part du « gouvernement ». L’analogie a fait son chemin sur les réseaux sociaux ces derniers mois, selon le blogue de la Ligue anti-diffamation, et la photo du directeur d’un groupe anti-vaccins du Texas portant l’étoile jaune a circulé à la fin-mars, lors d’une manifestation tenue là-bas. Le Washington Post précise à ce sujet: « Le Texas a l’un des groupes anti-vaccins les plus organisés et les plus politiquement actifs. Texas for Vaccine Choice, qui organisait la manifestation la semaine dernière, a reçu un appui des républicains du Tea Party et de certaines des organisations conservatrices les plus influentes de l’État. »
Un commentaire
Pingback: S'informer sur Instagram comporte des risques pour la santé - pieuvre.ca