On attribue plusieurs propriétés à la diète cétogène, une alimentation particulièrement à la mode ces dernières années. L’une d’entre elles serait son efficacité contre le cancer.
En réponse à la suggestion d’une lectrice, le Détecteur de rumeurs a voulu vérifier ce que la recherche avait à dire sur ce soi-disant bénéfice.
Qu’est-ce que la diète cétogène?
Cette diète est basée sur l’ingestion d’une grande quantité de lipides (des aliments gras tels que beurre, crème, avocat, poissons, viande, volaille, oeufs) et très peu de glucides. Par conséquent, ses adeptes doivent modérer leurs envies de pommes de terre, de fruits, de produits laitiers, de pâtisseries et de sucre. L’objectif de cette diète est de réduire au maximum la consommation de glucides (sucres) au profit des lipides (gras) pour provoquer un état dit de cétose: plutôt que de puiser son énergie dans les glucides, l’organisme se tourne vers les lipides. Ces derniers seront transformés en acides gras et en corps cétoniques, d’où l’appellation de la diète.
L’origine de la rumeur
En 1956, Otto Warburg, un médecin allemand, publie ses observations selon lesquelles une diète riche en glucose stimulerait la croissance des cellules cancéreuses. Plusieurs études se sont par la suite penchées (ici et ici) sur l’effet du glucose chez les cellules cancéreuses, que l’on nomme depuis l’effet Warburg.
Et si, à l’inverse, un régime faible en glucose, comme la diète cétogène, pouvait ralentir la prolifération des cellules cancéreuses? Ce régime était initialement prescrit depuis les années 1920, et il l’est toujours aujourd’hui, pour combattre l’épilepsie. Voyant un potentiel anti-cancer, des chercheurs commencent donc à s’y intéresser dans les années 1990. Une revue de littérature publiée en 2011 dans Nutrition and Metabolism, souligne que de se contenter d’un tel régime riche en gras pourrait réduire la progression de certains types de cancer. Toutefois, comme la majorité de ces études ont été réalisées sur des rats et des souris, une extrapolation de son efficacité chez les humains est trop hâtive.
Les faiblesses des études sur les humains
C’est ce qu’a constaté Jana Sremanakova, de l’Université Manchester au Royaume-Uni, auteure d’une revue systématique parue dans le Journal of Human Nutrition and Dietetics en 2018: les études publiées sur les humains ne permettent pas de conclure à l’efficacité de la diète cétogène. Dans le lot des 2252 études recensées, même le petit nombre d’études qui portent sur des humains ne permet pas de dégager des faits solides quant aux vertus anti-cancéreuses.
Sur les 11 études examinées — la chercheuse a notamment éliminé celles portant sur des animaux, des enfants, les doublons, celles qui portaient sur une diète de moins de sept jours, celles qui avaient trop peu de patients — « il existe des recherches sur des patients à un stade précoce du cancer et d’autres à des stades avancés. Des patients avec un cancer du cerveau, du sein ou de l’intestin. On ne peut pas découvrir quoi que ce soit avec une telle diversité de populations et de méthodologies », souligne-t-elle en entrevue avec le Détecteur de rumeurs.
Parmi d’autres critiques soulevées, la chercheuse indique par exemple que plusieurs recherches, non incluses dans sa revue, proposent un régime de moins d’une semaine à leur patient. « Le corps ne peut pas s’adapter aussi vite », ajoute-t-elle. Sans compter que la façon d’administrer la diète varie d’une méthode à l’autre, qu’il y a peu d’informations disponibles sur l’éligibilité des patients et qu’il y a bien souvent peu de patients évalués.
Selon Jana Sremanakova, la diète a certains bienfaits pour perdre du poids ou pour améliorer la masse musculaire des patients au stade précoce de leur maladie ou en rémission. Mais impossible de conclure sur des vertus de la diète cétogène pour ces malades qui suivent un traitement contre le cancer.
Verdict
Pour l’instant, avec les connaissances actuelles, on ne peut conclure aux vertus anti-cancer de cette diète chez les humains.
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