En analysant nos selles, des chercheurs ont trouvé une enzyme capable de transformer tous les groupes sanguins en groupe O, le « donneur universel ».
Les pénuries de sang ne seront-elles un jour qu’un mauvais souvenir? C’est en tout cas ce que font miroiter Steve Withers et son équipe de l’Université de Colombie-Britannique. Leur solution, les chercheurs l’ont trouvée dans nos crottes. Quel rapport avec les groupes sanguins? Notre intestin est tapissé d’un type particulier de glucides dont se nourrissent nos bactéries intestinales. Pour les ingérer, les bactéries produisent des enzymes capables de les découper. Or, il s’avère que ces enzymes peuvent aussi hacher menu les glucides (ou antigènes) qui se trouvent à la surface de nos globules rouges, et qui servent à définir notre groupe sanguin.
Autrement dit, le sang de groupe A possède l’antigène A, le groupe B l’antigène B, le groupe AB les antigènes A et B. Le groupe O est l’exception: il n’en a aucun, ce qui lui donne ce statut de donneur universel. L’absence de ces antigènes a en effet pour résultat que lorsqu’on donne du sang du groupe O, il ne peut pas déclencher de réactions de rejet chez le receveur.
Faisant fi de l’odeur, Withers et son équipe ont donc fouillé dans les selles, à la recherche de la portion d’ADN bactérien qui les intéressait. Ils ont ensuite inséré ce morceau d’ADN chez Escherichia coli, une bactérie qui, en laboratoire, joue le rôle d’usine à enzymes. Les chercheurs ont pu ainsi récolter les enzymes dévoreuses d’antigènes et les ont mélangées à des échantillons de sang de différents groupes. En éliminant les antigènes de type A ou B, les enzymes ont ainsi changé n’importe quel groupe sanguin en groupe O.
Si, sur le papier, cette méthode semble d’une grande simplicité, elle est en réalité le fruit de décennies de travail. L’utilisation d’enzymes pour retirer les antigènes des globules rouges est connue depuis le début des années 1990. Mais le processus, en plus d’être beaucoup plus lent, n’était pas assez efficace. Comme l’explique Steve Withers dans une interview pour Mashable, « il fallait beaucoup trop d’enzymes et elles ne fonctionnaient pas avec le groupe sanguin A ». La récente découverte permet de produire du sang de groupe O à partir de tous les groupes sanguin, plus efficacement que les méthodes utilisées jusqu’alors. Un avantage lorsqu’on manque de temps pour déterminer le groupe sanguin de blessés, par exemple lors d’accidents de la route ou de catastrophes naturelles.
Mais dans leur communiqué, les scientifiques font une mise en garde: les résultats, bien que prometteurs, restent préliminaires. Il est encore nécessaire d’effectuer des tests afin de déterminer d’éventuels effets indésirables liés à la transfusion de ce sang. Une altération imprévue des globules rouges n’est pas à exclure. « Nous espérons qu’un jour, nous pourrons éventuellement rendre n’importe quel type de sang, de tissus ou d’organes donnés, sans danger pour quiconque, quel que soit son groupe sanguin d’origine » rêve Steve Withers dans une entrevue avec The Globe and Mail.
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