Tout le monde connaît Tetris. Le programme créé par un chercheur soviétique, au début des années 1980, est assurément l’un des jeux vidéo les plus connus au monde. Mais connaît-on vraiment Tetris? Voilà qu’arrive Box Brown avec Tetris – Jouer le jeu, qui offre un voyage bédé-esque fort intéressant pour découvrir l’histoire de ce jeu de casse-tête simple et complexe à la fois.
Publié en version française aux éditions La Pastèque, ce documentaire dessiné raconte l’histoire d’Alexeï Pajitnov, l’inventeur de ce jeu qui réussit, sans vraiment à en avoir l’air, à stimuler le cerveau humain et à lui offrir la satisfaction des pièces qui tombent aux bons endroits, entraînant la disparition d’une ligne complète.
Dessiné dans des tons de blanc, de noir et de jaune, le récit est celui de la création de l’oeuvre, certes, mais aussi un cours en accéléré de la théorie entourant le jeu humain. L’humanité joue depuis des millénaires, et ce désir de divertissement se combine à une volonté d’apprendre, d’interagir, d’échanger… Le jeu est plus complexe qu’il n’y paraît!
Après les origines du jeu, après l’histoire de la création du jeu comme telle, la troisième partie de l’oeuvre littéraire – la commercialisation -, est potentiellement la plus intéressante du lot. Car la saga de Tetris ne s’arrête pas au moment où Pajitnov sauvegarde sa création sur une disquette, mais va plutôt s’étirer sur plusieurs années. La situation est complexe, après tout: puisque le jeu a été créé en URSS, la question des droits commerciaux provoque des maux de tête. L’État soviétique veut son dû, des hommes d’affaires veulent profiter de l’inexpérience de Moscou pour s’en mettre plein les poches, et tout le monde finira devant les tribunaux, alors que l’on divisera les droits pour les consoles, les ordinateurs, les droits dérivés…
Il est fascinant de découvrir, page après page, dans un style suffisamment épuré sans être trop simpliste, l’histoire de ce jeu que l’on tient pour acquis, tellement il s’est rapidement intégré au tissu socio-culturel de la civilisation occidentale moderne.
Bientôt 40 ans après sa création, Tetris fait partie des jeux immortels. Son principe est à la fois simple et complexe. Et si la présentation graphique a effectivement évolué, le concept de base est demeuré le même, et n’a certainement pas besoin d’être amélioré. Comme compagnon littéraire au titre du même nom, la bande dessinée de Box Brown remplit parfaitement son rôle. Le poids du livre, la qualité de son papier, la douceur de la couverture… Des aspects omniprésents pour tout ouvrage, bien entendu, mais dans ce cas-ci, on a l’impression de tenir un morceau d’histoire entre ses mains. Et quoi de plus paradoxal, pour parler d’un jeu vidéo, que d’en raconter l’histoire à l’aide d’images fixes, dans un format dont on prédit la mort depuis belle lurette?
Pour les amateurs de jeux, Tetris est fortement recommandé. Le jeu comme le livre, bien sûr!
En complément:
https://www.pieuvre.ca/2018/06/18/litterature-au-fond-des-choses-avec-john-le-carre/