Les serpents et les araignées évoquent la peur et le dégoût chez bien des gens, et ce même dans les pays développés où les contacts avec ces animaux ne se produisent pratiquement jamais. Jusqu’à maintenant, un débat faisait rage quant à savoir si cette aversion était innée ou acquise.
Des chercheurs de l’Institut Max Planck pour la cognition humaine et les sciences du cerveau, sis à Leipzig, en Allemagne, ont récemment découvert que cette peur était héréditaire: même les bébés étaient stressés lorsqu’ils voyaient ces créatures – et ce bien avant qu’ils puissent apprendre la réaction.
Il est possible d’avancer que dans les pays industrialisés, plus particulièrement en Europe occidentale, la plupart des gens ne sont jamais entrés en contact avec une araignée venimeuse ou un serpent en milieu sauvage. Dans la plupart de ces pays, en fait, il n’existe habituellement pas d’araignées ou de serpent, à proximité des régions urbanisées, qui puissent représenter une menace pour l’homme. Malgré tout, bien peu nombreux sont les gens qui ne frissonneraient pas à l’idée d’une araignée qui remonterait le long de leur bras, même si celle-ci est sans danger.
Cette peur peut entraîner de l’anxiété, qui limitera à son tour la vie d’un individu. Ce genre de personnes est toujours stressée et ne peut entrer dans une pièce que si elle a été déclarée « sans araignées ». Il arrive également que ces gens ne puissent sortir en nature par peur d’y croiser un serpent. Dans les pays développés, d’1 à 5% de la population est affectée par une véritable phobie de ces créatures.
Jusqu’à maintenant, on ignorait d’où venait cette aversion si répandue ou cette anxiété. Si certains scientifiques assumaient que nous apprenions à éprouver cette peur à partir de notre environnement en étant enfant, d’autres croyaient que la chose était innée. L’inconvénient de la plupart des précédentes études sur le sujet, écrit-on dans les nouveaux travaux publiés dans Frontiers in Psychology, est que celles-ci étaient menées avec des adultes ou des enfants plus âgés, ce qui rendait complexe la tâche visant à mesurer si ce comportement était acquis, ou s’il était inné. De telles études avec des enfants n’ont vérifié que si les sujets repéraient plus rapidement les araignées et les serpents plus rapidement que d’autres animaux ou des objets inoffensifs, et non pas si ces mêmes sujets démontraient une réaction de peur physiologique directe.
Des chercheurs de l’Institut Max Planck et de l’Université suédoise d’Uppsala ont récemment effectué une observation cruciale: même chez les bébés, une réaction de stress était évoquée lorsqu’ils aperçoivent une araignée ou un serpent. Et cela se produit même à l’âge de six mois, lorsque ces jeunes enfants sont encore passablement immobiles et qu’ils n’ont que peu d’opportunités d’apprendre que ces animaux peuvent être dangereux.
« Lorsque nous avons montré des images d’un serpent ou d’une araignée aux bébés, plutôt qu’une fleur ou un poisson de la même taille et de la même couleur, ils ont réagi avec des pupilles passablement plus dilatées », affirme Stephanie Hoehl, chercheuse principale pour cette étude et neuroscientifique à l’Institut Max Planck et à l’Université de Vienne. « Sous des conditions d’éclairage constantes, ce changement de la taille des pupilles est un signal important pour l’activation du système noradrénergique dans le cerveau, qui est responsable des réactions de stress. Même les bébés les plus jeunes semblaient être stressés par ces groupes d’animaux. »
« Nous concluons que la peur des serpents et des araignées est d’origine évolutionnaire. À l’image des primates, des mécanismes dans nos cerveaux nous permettent d’identifier des objets comme étant des « araignées » ou un « serpent » et de réagir très rapidement. La réaction de stress qui en découle nous prédisposent à apprendre que ces animaux sont dangereux ou dégoûtant. Lorsque cela accompagne d’autres facteurs, le tout peut devenir une véritable peur, ou même une phobie.
De façon intéressante, il est connu, à partir d’autres études, que les bébés n’associent pas des photos de rhinocéros, d’ours et d’autres animaux théoriquement dangereux à de la peur. « Nous assumons que la raison pour la réaction particulière aux araignées et aux serpents est due à la coexistence de ces animaux potentiellement dangereux avec les humains et leurs ancêtre pendant plus de 40 à 60 millions d’années – et donc bien plus longtemps qu’avec les mammifères dangereux d’aujourd’hui. La réaction suscitée par des groupes d’animaux craints dès la naissance a été implantée dans le cerveau depuis une longue période, et ce même lorsque l’on parle du processus d’évolution.
Pour les risques modernes comme les couteaux, les seringues ou les prises électriques, la même raison pourrait être valable encore ici. D’un point de vue évolutionnaire, ces dangers n’existent que depuis peu de temps, et il n’a pas encore été possible d’établir des mécanismes réactifs dans le cerveau dès la naissance.