Sur un coup de tête, un jeune couple accepte de transporter une cargaison humanitaire de la Lituanie à l’Ukraine. Avec Frost (2017) présenté au Festival du nouveau cinéma (FNC), le cinéaste d’origine lituanienne Sharunas Bartas propose un road movie qui contourne la Biélorussie.
Deux amis se donnent rendez-vous au coin d’une rue, il fait froid, la caméra alterne d’un visage à l’autre. Les mots échangés ne semblent pas suffisants quant à la charge de devoir se rendre dans une zone de conflit armé. L’appel du destin et une certaine fascination pour les manifestations de Maïdan au centre de la capitale Kiev en 2014 ont raison de la détermination de Rokas qui part accompagné de sa copine Inga. À bord d’une camionnette, l’itinéraire consiste à enjamber la Pologne pour arriver à destination.
Ce qui est captivant avec le road movie, c’est que le genre renoue avec l’essence du médium cinématographique: l’image en mouvement. Itinéraire dévoilé d’emblée, tous les spectateurs peuvent prendre part à l’aventure de même que tous les personnages à l’écran peuvent devenir des auto-stoppeurs du récit. La trame narrative est décantée en une dynamique du déplacement ponctuée d’arrêts, des escales souvent existentielles. Ici, l’action a lieu dans une région reculée de l’Occident qui fait rarement les manchettes.
Le cinéaste Sharunas Bartas accentue cet effet de décantation par sa sélection de gros plans soit pour nous montrer les bribes d’expression sur les visages stoïques ou pour diriger notre regard sur des détails qui conditionnent le déroulement du voyage. Des détails physique comme le passeport à la frontière ou la crevaison du pneu du véhicule, de même que des détails en lien avec l’état d’esprit des voyageurs tel l’action de retirer le bouchon du goulot d’une bouteille d’alcool. Cette multitude de gros plans cadre le paysage, une étendue vaste de moins en moins civilisée.
Lors d’une escale, le jeune couple est invité par un contact à passer la nuit dans un hôtel luxueux accompagné d’un groupe de Français. Nulle autre que la chanteuse Vanessa Paradis commande une assiette de fromage et de quoi arroser la soirée. L’adolescente qui nous a bercé avec les chansons à succès Joe le taxi et Maxou a gagné en maturité au point d’enseigner l’amour au jeune Rokas. Cependant, le gros plan sur l’espace entre les deux petites palettes de la chanteuse détourne notre attention de ce lyrisme de fin de soirée.
Tout au long du voyage, une certaine tendresse va éclore au centre du jeune couple. Au bout de la route, des soldats ukrainiens vont se confier au jeune Rokas. Que cherche ce dernier? Au lieu d’accepter cette mission, il aurait peut-être été préférable d’inviter Inga au cinéma pour visionner un film de guerre ou un road movie, qui sait?
Le court-métrage Syndromes of Mimicry (2016) de Anastasija Pirozenko portant sur l’assimilation de la culture occidentale en Lituanie sera présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) du 9 au 19 novembre.