La réputation de Robin Aubert n’est plus à faire. S’il est malheureusement souvent à l’écart du grand circuit cinématographique au Québec et ailleurs, le cinéaste a démontré à maintes reprises qu’il avait non seulement de bonnes idées, mais qu’il savait les exprimer de façon originale et efficace. Les Affamés, film de zombies présenté jeudi au Festival du Nouveau Cinéma (FNC), est la preuve du talent indéniable de l’homme.
Après un triomphe au TIFF, à Toronto, où l’oeuvre a été sacrée Meilleur long-métrage canadien, voilà donc que cette histoire de morts-vivants envahissant un Québec rural et isolé était projetée devant un cinéma Impérial comble. Pas mal du tout, quand l’on sait que le film de genre continue d’éprouver des problèmes de visibilité au Québec.
Dans une campagne québécoise où les avides consommateurs de chair humaine terrorisent les habitants, on vit dans la hantise de faire du bruit et l’on se déplace la plupart du temps en catimini. On craint également de devoir mettre à mort ses proches. Quitte à se faire mordre soi-même et à passer lentement du côté de ceux que l’on abat, décapite et trucide.
À l’opposé, les zombies d’Aubert hurlent à s’en décrocher la mâchoire et courent à en perdre haleine.
Les premières minutes du film font craindre de se trouver devant un film de zombies correct, certes, mais un film ennuyant respectant en gros les codes du genre. Jump scares, giclées de sang, survivants qui fuient à pied une menace qui finira par les rattraper…
Puis, la magie du réalisateur (et de son équipe) fait effet: les zombies ne sont pas si stupides qu’il y paraît. Ils tendent des pièges, répondent à des gestes et bruits bien précis… et, sans dévoiler certaines informations spécifiques, se transforment éventuellement en bien plus que de simples morts-vivants. Aubert ajoute ainsi une symbolique à la fois magnifique et inquiétante à un phénomène qui semblait s’essouffler devant la multiplication de l’utilisation du concept même du zombie. « Romero était sur cette scène il y a quelques années seulement », a lancé l’animateur de foule à Robin Aubert, quelques minutes avant la projection. Le défunt maître du film de zombies pourrait effectivement être fier de cette réinvention du thème.
Tout cela, c’est sans compter l’excellente distribution du film. Aux commandes de l’oeuvre, on retrouve ainsi Marc-André Grondin, à qui viendra se greffer, entre autres, Monia Chokri et Micheline Lanctôt. Sans oublier Brigitte Poupart, la surprenante Charlotte St-Martin et les apparitions remarquées de Didier Lucien et Robert Brouillette.
Film humain, film dramatique mais néanmoins rigolo par moments, film magnifique, Les Affamés pourrait fort bien représenter la pierre angulaire d’un nouveau souffle pour le cinéma de genre au Québec. Et si l’on s’interrogeait sur la pertinence de présenter l’oeuvre au FNC, plutôt qu’à Fantasia, la raison de ce choix apparaît rapidement: Les Affamés est plus qu’un film de zombies. C’est d’abord un drame, mais où les protagonistes sont aussi amateurs de viande très rouge.
L’oeuvre prendra l’affiche la semaine prochaine. À voir, absolument!