Le Théâtre de l’Espace Go entamait mardi les célébrations du 100e anniversaire de naissance de l’écrivaine et poète québécoise Anne Hébert. Pour l’occasion, l’oeuvre Aurélien, Mademoiselle, Clara et le Lieutenant anglais prenait vie sur les planches de l’institution montréalaise.
Dans les grandes étendues du village de Sainte-Clothilde, Aurélien (Étienne Pilon) est dévasté: sa femme vient à peine de donner naissance à une petite fille que voilà qu’elle trépasse. Seul, désemparé, l’homme se réfugie dans le mutisme et le labeur manuel. Il faudra l’intervention de la maîtresse d’école, Mademoiselle (Émilie Bibeau), pour finalement installer Clara (Alice Moreault), maintenant âgée de 10 ans, dans la salle de classe du village.
De là, c’est l’éveil intellectuel pendant quelques années, jusqu’à ce que l’institutrice soit emportée par la maladie. Quelque temps plus tard, désirant échapper à nouveau à l’étouffant carcan de la vie solitaire avec son père, Clara fait la connaissance d’un lieutenant anglais (François-Xavier Dufour) envoyé en repos au Québec après les horreurs du Blitz londonien, lieutenant dont elle tombera amoureuse du haut de ses 14 ans, presque 15.
Récit initiatique, récit de libération teinté de crainte, Clara, version théâtrale au titre tronqué du roman d’Hébert, fait face à un défi de taille. Sans avoir lu l’oeuvre de la romancière, il ne fait aucun doute que celle-ci a couché l’éveil, puis l’évolution personnelle de Clara sur bon nombre de pages. Lorsqu’est venu le temps d’adapter le tout pour la scène, cependant, l’auteur Pierre Yves Lemieux et la metteure en scène Luce Pelletier se sont retrouvés devant un dilemme: comment transposer le plus de contenu possible, tout en respectant le temps limite d’une heure quinze?
On aura beau vouloir bien faire, on se retrouve avec un spectacle en deux parties où l’on sent constamment la trotteuse courir follement tout autour du cadran. La première partie, qu’Émilie Bibeau survole avec des répliques complexes et riches, laisse quelque peu Aurélien et Clara dans le sillage de l’institutrice.
La situation se corrige heureusement lors de la deuxième partie, après environ la moitié de la pièce, alors que les trois comédiens restant disposent de plus de temps de jeu, et de meilleures possibilités d’interaction entre eux.
Il est rare de dire qu’une pièce est trop courte, mais Clara mériterait certainement une demi-heure supplémentaire. Les personnages auraient davantage de temps pour évoluer et certaines répliques sembleraient moins plaquées. Clara est malgré tout une expérience agréable; il aurait suffi qu’on lui donne suffisamment de temps pour que l’expérience en question devienne plutôt émouvante.