La course folle vers le « progrès » se poursuit dans le monde des médias, et autant ailleurs qu’ici. Automatisation, messagerie, vidéo, réalité virtuelle, multiplication des créateurs… Le Fonds des médias du Canada (FMC) fait état, dans sa version de mi-2016 de son rapport sur les tendances du milieu, d’une transformation toujours plus rapide de l’environnement médiatique.
Il y a six mois, déjà, la septième édition annuelle du document indiquait que « les consommateurs se comportent différemment et ont des attentes plus élevées que jamais », et qu' »un insatiable appétit de contenu nous a propulsés dans l’avenir, stimulant des innovations technologiques et générant une demande pour des infrastructures plus robustes et des écosystèmes mieux intégrés ».
La mise à jour de juillet le souligne sans détour: « l’environnement des médias demeure volatil, et bon nombre d’indicateurs confirment cette interdépendance entre le contenu et la technologie », alors que l’expérience utilisateur règne en maître.
Ce qu’il y a de nouveau? L’émergence toujours plus marquée de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. D’un côté, les casques HTC Vive et Oculus Rift sont pratiquement sortis de leur phase de test, et avec eux, les premiers jeux et titres de divertissement. De l’autre, la réalité augmentée, soit le fait d’ajouter des éléments virtuels au monde réel tel que perçu par des lunettes ou l’écran d’un téléphone intelligent, gagne en popularité, particulièrement avec la sortie récente de Pokémon Go, un jeu qui fait fureur.
Ce qui retient l’attention du FMC, c’est également l’emploi de plus en plus poussé des bots, ces assistants virtuels qui permettent d’interagir avec des utilisateurs et des clients sans nécessiter du personnel de service à la clientèle. Mieux encore, ces robots conversationnels alimenteront, à court terme, les services de contenu culturel. Envie d’écouter un genre de films en particulier? Besoin d’une trame sonore spécifique? Le robot est là pour vous, et ses capacités devraient éventuellement atteindre celles de Google, voire les dépasser.
Le FMC rapporte aussi que les principaux services de messagerie ont dépassé, l’an dernier, le nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux. Une bonne nouvelle pour Facebook, qui joue sur les deux tableaux avec le réseau social du même nom, mais aussi avec WhatsApp, acheté pour plusieurs milliards, et Facebook Messenger. Le tout, poursuit le rapport, dans le but d’obtenir une « expérience humanisée ».
Toujours plus de bande passante
Autre effet de cette convergence des contenus et de la technologie, les infrastructures web d’ici sont toujours plus sollicitées pour accéder à du contenu vidéo et audio de grande qualité.
« Selon Ericsson, la hausse nette du trafic vidéo mobile en 2015 équivaut à trois longs métrages par abonnement à un service de téléphonie intelligente. À l’échelle mondiale, Cisco prévoit que le flux de données mobiles se multipliera par huit d’ici 2020 et que la vidéo représentera 79 % du trafic de données mondial (78 % au Canada) », avance le FMC. Et selon The Diffusion Group, d’ici neuf ans, chez nos voisins du Sud, l’écoute de vidéos en ligne augmentera de 81 %, tandis que l’écoute de la télévision classique reculera de 34 %.
La raison? Le phénomène du cord cutting, où les abonnés au câble quittent les télédiffuseurs conventionnels pour se tourner vers le web et les services de diffusion en continu comme Netflix.
Réalité virtuelle, opportunités réelles
Toujours au dire du rapport intérimaire du FMC, le succès de la réalité virtuelle est loin d’être garanti. Ce succès « dépendra largement de l’accessibilité et de la qualité du contenu créé pour ces nouveaux dispositifs. C’est le contenu qui doit convaincre le consommateur d’investir dans un casque de RV ». Car ces casques ne sont pas pour toutes les bourses, du moins pour l’instant, puisqu’ils se vendent aux alentours de 600, voire 700 $ américains. Sans oublier les ordinateurs puissants nécessaires pour en tirer pleinement parti.
Au pays, les créateurs sont à l’oeuvre pour éviter d’avoir un retard à combler en matière de production de contenu pour ces nouvelles plateformes.
Attention, toutefois, à ne pas profiter des nouvelles opportunités pour saper l’édifice réglementaire actuel, plaide le FMC. Pour l’analyste Andrew Sheehy, « il semble inconcevable, que les émissions offertes dans cette nouvelle industrie télévisuelle ne soient tout simplement plus réglementée ». Trois issues seraient donc possibles à long terme: déréglementer partiellement les services traditionnels, histoire de mieux pouvoir concurrencer les services de télévision par contournement; imposer une réglementation souple à ces services; ou encore combiner les deux premières options pour mettre sur pied un modèle hybride.
Le CRTC et les autres organismes réglementaires canadiens auront donc du pain sur la planche au cours des prochaines années.