Qui n’a pas été marqué par le regard perçant de la jeune fille afghane sur la page couverture du National Geographic ? La conférence du célèbre photographe Steve McCurry dans le cadre de son exposition du 27 mai au 30 juin à la Galerie Got de Montréal, a été l’occasion de revenir sur son parcours à travers le monde.
Jeune, Steve McCurry voulait d’abord voyager. Attiré par le mode de vie de globe-trotter, il était curieux de voir ce qui se passait autour de lui et ailleurs dans le monde. Inspiré par les photographes Henri Cartier-Bresson et Robert Capa qui racontent de « grandes histoires humaines » par leurs images, il a opté pour ce médium. La photographie lui permet une spontanéité à comparer à la série d’étapes qu’exige la production cinématographique.
Aujourd’hui, les photographes peuvent voir leurs images instantanément à même l’appareil, régler la composition sur le terrain, alors que deux mois se sont écoulés avant qu’il développe la photographie de la jeune fille afghane (1984) réfugiée au Pakistan. « Rendre les choses spatialement et humainement « plus proches » de soi, c’est chez les masses d’aujourd’hui un désir tout aussi passionné que leur tendance à déposséder tout phénomène de son unicité au moyen d’une réception de sa reproduction », a écrit l’historien d’art Walter Benjamin dans son essai L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique parut en 1972.
Après avoir répondu aux questions sur l’identité, la situation et l’expression de l’icône dont le vert et le brun rougeâtre dévoilent un contraste saisissant en galerie, Steve McCurry a dressé un portrait de l’Afghanistan en 1978, au temps de l’invasion soviétique. « Les villages se soulevaient et les gens se politisaient », a-t-il relaté devant les deux immenses portraits affichés derrière la table de conférence.
À gauche, un fermier pakistanais sous un turban appuie sa joue contre son bâton (1980). L’éclat de la petite pierre rouge sur sa bague renvoie à la brillance de ses pupilles noires vitreuses. À droite, un mineur afghan barbouillé de charbon fume un mégot de cigarette roulée (2002). Un regard fixe sous une lampe frontale pas éteinte, un regard soutenu au-dessus d’une fumée blanche tirée par le vent.
« Vous avez la montre, mais nous avons le temps », ont affirmé les talibans, d’après le photographe qui a dépeint la situation afghane actuelle comme un chaos. L’organisation radicale ne fait qu’attendre l’occasion de prendre le pouvoir au moment où les gouvernements des pays environnants font valoir leurs intérêts et que l’Occident s’attend à un retour sur ses investissements, explique-t-il.
« Nous sommes devenus globalisés. Nous ne pouvons pas arrêter le progrès, tout le monde a besoin d’éducation et de soins de santé », répond le photographe humaniste après lui avoir demandé si l’humanité a perdu quelque chose avec les années. Chaque individu fait ce qu’il a à faire. « Tu ne voudrais pas dédier ta vie au réchauffement de la planète, n’est-ce pas ? », me relance-t-il.