Dans les allées poussiéreuses et sales du Caire, la Mort rôde, fauchant les jeunes garçons dans un quartier pauvre de la capitale. Et bien malgré lui, le détective Makana se retrouve plongé dans cette intrigue alimentant la poudrière politico-religieuse.
Meutres rituels à Imbaba, le plus récent roman de l’écrivain Parker Bilal publié aux éditions du Seuil, reprend le personnage de Makana, ce policier soudanais qui avait dû fuir son pays après les événements du livre précédent. Maintenant condamné aux emplois précaires et à une vie frôlant la misère, il est appelé à s’intéresser à une série de lettres soi-disant menaçantes reçues par Meera, une employée de l’agence de voyages L’Ibis bleu. Le tout sur fond de tensions religieuses et politiques, alors que la série de meurtres de jeunes enfants vient souffler sur les braises de l’intolérance.
Embarqué malgré lui dans une sombre machination, et, surtout, aux prises avec ses propres démons, Makana devra tirer l’affaire d’Imbaba au clair tout en cherchant à conserver sa propre vie, parfois menacée par les puissants du pays.
Dans cette enquête policière aux accents d’Orient, Parker Bilal réussit le tour de force de créer une ville du Caire intemporelle. Certes, il y a cette utilisation occasionnelle de la technologie, un téléphone cellulaire qui fait irruption ici et là, sans oublier les voitures empruntées par les protagonistes, mais au-delà de ces « accessoires », le conflit au coeur de Meurtres rituels à Imbaba en est un de la raison de l’extrémisme. Un président totalitaire, un appareil étatique omniprésent, des imams poussant à la révolte, une société qui craque de partout, des chrétiens victimes de discrimination et de violences… le portrait est tristement éternel pour quantité de pays d’Afrique du Nord, du Proche et du Moyen-Orient.
À travers tout cela, Makana fait son boulot, ni héros ni traître, mais simplement un policier devenu un détective désabusé qui n’a d’espoir que de faire profil bas pour éviter que l’on s’intéresse trop à lui.
Voilà certainement le message de ces Meurtres rituels à Imbaba: le message que la société égyptienne – et le monde arabe en général – est coincé dans ce cycle perpétuel de violence et de répression, et que pour survivre, il est parfois nécessaire d’écraser quelques pieds et d’accomplir certaines choses dont on ne sera pas fier.
Parker Bilal livre une oeuvre puissante, un roman-paysage où l’on peut sentir la sueur de ces habitants du Caire courbant l’échine sous le soleil, percevoir l’odeur de ces allées jonchées de déchets, goûter le sable du désert de ce pays éternel… et, semble-t-il, éternellement coincé dans le même marasme politico-religio-financier.
Meurtres rituels à Imbaba, de Parker Bilal, publié aux éditions du Seuil, 396 pages