En reprise, deux fois plutôt qu’une. Le film de Gérald Caillat était l’un des derniers qu’il était possible d’apprécier ce dimanche soir, le dernier jour du FIFA. Et il constituait à lui seul une excellente pièce de résistance afin de clore ce festival qui, disons-le, a surpris par son éclectisme et la qualité saisissante de sa programmation.
L’art de Chopin, c’était un film biographique sur le plus célèbre compositeur polonais. Loin de tomber dans l’historique facile façon «canal câblé», le réalisateur nous plongeait plutôt au cœur même de la composition du maître du romantisme. Car en plus d’une narration biographique hors pair et rafraîchissante, plusieurs pianistes de renommé internationale y ajoutaient leur grain de sel afin de bien faire saisir l’unicité du talent de Frédéric Chopin. Garrick Ohlsson, grand pianiste américain récipiendaire du concours international Frédéric Chopin en 1970 et depuis mondialement réputé pour ses interprétations en la matière, démystifiait la structure unique des compositions. Pour le néophyte, il s’agissait d’une porte d’entrée rationnelle vers une analyse expliquant le «pourquoi» d’un tel génie.
Par exemple, Ohlsson, assis devant son piano Bosendorfer expliquait les difficultés techniques dans l’interprétation de l’Étude No. 4 Opus 10 en Do dièse mineur. Ainsi, on apprenait que Chopin ne se contentait pas de composer des Études purement techniques, mais qu’il transformait aussi ces dernières en quasi-Nocturnes, soit des compositions qui, malgré cet exercice de style technique, étaient absolument ravissantes de romantisme et d’ingéniosité, tout en jouant dans le plus contraignant pour la main du pianiste. L’Étude No. 4 répondait à ce critère, puisque la main droite du pianiste doit alors jouer l’accompagnement avec les trois doigts les plus faibles de la main, tout en soutenant une progression rythmée avec le pouce et l’index. La main doit virevolter comme un automate, ce que les plans en ralenti rendaient de façon spectaculaire, suscitant exclamations dans l’auditoire.
Entre le récit des mémoires de Georges Sand, des images d’archives capturées au cours du dernier siècle revisitaient des interprétations marquantes d’autres grands pianistes, tel que Vladimir Ashkenazy, Bella Davidovitch, Piotr Anderszewski, Evgeny Kissin et Yuja Wang. La Valse en Do dièse mineur, la Ballade No. 1 en Sol mineur Opus 23 ou alors l’Étude «Tristesse» Opus 10 No. 3 en Mi résonnaient entre ces images embrumées par l’âge, d’un son toujours aussi prenant de romantisme, comme venu d’outre tombe. «Chopin c’était le mélange savant d’un «volcan» enveloppé sous l’emballage absolument mondain de Paris» disait-on. La chute du documentaire était habilement réalisée. Dans un vidéo d’archive le pianiste Arthur Rubinstein interprétait la finale du concerto no. 2 avec le London Symphony Orchestra en 1975. Les dernières notes achevées, un gros plan des yeux bleus aveugles du vieux musicien âgé à l’époque de 88 ans. Il était en extase. Et nous aussi.