Rachelle McDuff
Après avoir ouvert le festival Cinémania en 2005 avec Va, vis et deviens (Prix du public 2005), Radu Mihaileanu fermera cette fois l’événement avec, Le concert, sa dernière œuvre cinématographique aussi bouleversante que burlesque.
Dans l’URSS brejnévienne, Andreï Filipov était le grand chef de l’Orchestre du Bolchoï, la scène la plus prestigieuse de Moscou. Après avoir défendu le droit de ses camarades juifs à jouer dans son orchestre, il se fait renvoyer publiquement durant un concert. Trente ans plus tard, aigri et nostalgique, il travaille toujours au Bolchoï comme…préposé à l’entretien ménager.
Un soir où il est en train de nettoyer le bureau du directeur, il intercepte un message adressé à celui-ci invitant le Bolchoï à jouer au magnifique Théâtre du Châtelet à Paris. Pour Andreï, c’est l’occasion rêvée de prendre sa revanche, mais surtout, de pouvoir diriger encore une fois un grand orchestre. Accompagné de son vieil ami, Sacha, il va réunir ses anciens amis musiciens qui vivent aujourd’hui de petits boulots.
Mais se rendre à Paris pour jouer Tchaïkovski devant une salle comble n’est pas la seule raison qui pousse l’orchestre hétéroclite à se rendre dans la Ville Lumière…
Pour ceux qui ne connaissent pas le réalisateur français d’origine roumaine, Radu Mihaileanu, Le concert est une magnifique découverte. Parfois émouvants, souvent amusants, les personnages nous transportent dans des situations abracadabrantes. Usant de différents stratagèmes douteux mais cocasses pour parvenir à leurs fins, les membres de l’orchestre hétéroclite réussissent à faire vivre au spectateur des moments de pure folie. On a souvent l’impression que les personnages sont en train d’organiser le vol de banque du siècle ou tout autre acte d’éclat.
Bien que la direction des acteurs se soit avérée ardue à cause de la barrière de la langue (les acteurs sont unilingues russe ou français) la réalisation du film n’en est pas du tout affectée. Le jeu des acteurs russes est franchement rafraîchissant. Le film permet de découvrir Alexeï Guskov et Dmitry Nazarov, déjà de grandes vedettes en Russie, qui incarnent respectivement Andreï et Sacha. Du côté français, Mélanie Laurent (Inglourious Basterds) et Miou Miou sont très touchantes dans leur rôle d’Anne-Marie Jacquet, la violoniste prodige, et de sa gérante tandis que François Berléand (Les choristes) interprète magnifiquement le directeur diplomate, mais cynique du Châtelet. Même les personnages secondaires sont merveilleusement bien campés.
Le concert traite de thèmes très variés et encore bien présents dans la société russes, des années après la chute de Brejnev. Mihaileanu brosse un portrait empreint de compassion du contraste entre l’est et l’ouest. Il fait état du communisme et des espoirs qu’il a incarnés, des répercussions du tournant de la Russie vers le capitalisme, de l’oligarchie, de l’individualisme et de l’esprit de communauté.
Seuls petits bémols : certaines histoires en parallèle et certains thèmes abordés mériteraient qu’on les pousse davantage. Le scénario est très chargé et ça ne respire pas beaucoup.
Comme le titre l’indique, la musique occupe une place centrale dans le film. Armand Amar a su amalgamer d’une brillante façon les symphonies classiques, les hymnes slaves et les chansons tziganes. L’apogée du film est sans aucun doute la poignante scène finale où l’orchestre, son chef et la violoniste soliste jouent en symbiose le concerto pour violon et orchestre de Tchaïkovski atteignant « l’ultime l’harmonie ».
Le concert sera présenté dimanche le 15 novembre à 9h et à 20h au Cinéma Impérial (1430, rue Bleury).