Michel Houellebecq a décidément le sens de la formule. L’auteur français, bien connu pour ses romans à l’impact marqué, avait remporté le Goncourt pour La carte et le territoire, en 2010. Il y a deux ans, pourtant, l’homme frappait encore plus fort avec Soumission.
Dans une France toujours plus sclérosée par une économie en difficulté et un profond malaise social, l’impensable se produit: les déclinaisons traditionnelles de la gauche et de la droite sont éliminées au premier tour de scrutin de la présidentielle de 2021. En tête, le Front national. Mais derrière, surprise! C’est un candidat musulman qui affrontera Marine Le Pen au deuxième tour. Finalement élu après des violences ayant forcé la reprise du second tour, le candidat musulman en question amorce une transformation radicale de la société française, avec une islamisation rapide de la façon de fonctionner au jour le jour.
Notre héros est un universitaire plus qu’ordinaire. Un intello à la française, plongé dans ses livres et dont les pensées tournent principalement autour de la possibilité de coucher avec ses étudiantes. Outre cela, il se complaît dans un ordinaire tranquille, à la limite de la médiocrité.
Arrive donc ce changement de présidence, changement qui signifie la mort à proprement parler de ce qui fait la France. L’éducation supérieure est saignée à blanc, les femmes sont confinées à la maison, quand elles ne sont pas mariées en très bas âge, et les moeurs sociales changent du tout au tout. Bref, c’est un peu comme si l’Arabie saoudite s’installait à l’Élysée.
Impensable? Le livre avait fait scandale à l’époque dans une France au bord de l’éclatement. Ironiquement, deux ans plus tard, certaines des prédictions établies dans le roman de Houellebecq semblent se réaliser. François Hollande a réalisé non pas deux, mais plutôt un seul mandat sans éclat. Son dauphin, Manuel Valls, a été battu par Benoît Hamon au sein du Parti socialiste, mais ce même parti n’a statistiquement aucune chance de passer au deuxième tour. Idem pour les Républicains. Et, bien entendu, l’extrême-droite est en tête des intentions de vote. Contre Marine Le Pen, pas de musulman, mais plutôt un outsider centriste.
Il faut se demander, à la lecture de Soumission, si Houellebecq a voulu secouer le milieu politique et social français en lui donnant un aperçu de ce qui pourrait se produire dans un cas extrême de détérioration de ce même milieu. Ou – seconde possibilité – s’il aime en fait surtout se lire, encore et encore et encore… Car au premier degré, Soumission n’est pas particulièrement un bon livre. Trop long, trop lourd, trop ennuyeux, suivant le parcours de notre universitaire sans grand intérêt, et qui, pire encore, finit par se réjouir de la perspective de se voir attitrer une jeune épouse mineure pour satisfaire ses envies sexuelles, le roman semble tenir pour acquis qu’il ne faudrait que l’élection d’un président musulman pour que le pays change complètement ses façons de faire. L’Hexagone accepterait-il vraiment que les femmes retournent dans les foyers, cessent d’être éduquées? Vraiment? Dans le pays des droits de l’Homme? De la liberté, de l’égalité, de la fraternité? Que tout le monde accepterait une islamisation accélérée sans pratiquer la grève, pourtant sport national?
Allons-y pour l’électrochoc, donc. Un électrochoc longuet, certes, mais une preuve manifeste que Michel Houellebecq sait (très bien) écrire. À lire, ne serait-ce que pour alimenter l’instinct de révolte.