Héros, antihéros, vilain? À l’époque du politically correct, les vrais « méchants » n’existent plus vraiment. Pourtant, qu’importe comment on en a envie de définir le protagoniste de la franchise Venom, on retiendra surtout de sa suite qu’il est probablement devenu de manière surprenante une personnalité pro-LGBTQ+.
À l’instar du Babadook, bien que la créature de Jennifer Kent l’est devenue malgré elle, il devient de plus en plus évident que ceux derrière l’œuvre, ici, ont eu l’idée saugrenue d’utiliser l’alter-ego d’Eddie Brock comme métaphore de l’identité. Un choix à la fois étonnant et logique, comme on met de l’avant la dualité constante et le combat souvent intérieur et intériorisé, quoique représenté cinématographiquement grâce à la voix off, des deux êtres qui essaient de cohabiter harmonieusement ensemble en acceptant les différences, les forces et les faiblesses de l’un et de l’autre. Ajoutons à cela un nombre grandissant de sous-entendus, de références aux sorties de placard et un speech sur la liberté d’être soi-même sur fond de party et de glow sticks pour que le message soit de plus en plus clair.
De fait, le côté cartoonesque est mis grandement à l’avant-plan dans ce qui apparaît régulièrement comme un vaudeville, surfant sur l’humour toujours déroutant qui avait conquis le public au premier tour et certainement aidé à faire apparaître une suite aussi vite. Reid Scott s’y donne aussi à cœur joie, lui qui n’a après tout rien trouvé de prometteur depuis l’inoubliable télésérie Veep.
La chimie (fictive) est après tout ce qui fonctionne le mieux (si l’on peut dire) dans cette suite aussi dysfonctionnelle et incohérente que son prédécesseur. Surtout que Tom Hardy est encore plus à l’aise dans le rôle alors qu’il s’est cette fois assuré de participer à l’histoire tout en étant producteur du projet.
Le fait par contre est qu’en soi, la franchise Venom ne peut tout simplement pas fonctionner d’elle-même. Dérivé de la vache à lait de Sony et Marvel qu’est Spider-Man, c’est aussi un film d’anti-héros qui doit continuellement trouver pire que lui pour lui donner une raison d’être. À lui seul, Brock n’a tout simplement pas assez de chair autour de son curriculum vitae pour justifier un film à part entière comme en explique d’ailleurs la maigre durée du film ici présent (90 minutes!), maigre consolation du désolant spectacle qui se déroule sous nos yeux.
C’est qu’en appartenant au genre large des films de superhéros sans toutefois en être un, comme on le rappelait précédemment, Venom devient beaucoup et peu de choses à la fois. (Double romance, buddy movie, léger film policier et journalistique, wannabe X-Men, comédie absurde et on en passe).
C’est dommage puisqu’en termes de l’univers de l’homme-araignée, Venom est certainement l’un de ses méchants les plus appréciés, mais on dirait que le cinéma est incapable de lui rendre justice comme c’était également le cas dans l’infâme Spider-man 3 de Sam Raimi.
Ici, on a beau le jumeler à Carnage, comme on s’y attendait et comme on nous l’avait préparé dans le film précédent, on se désole de voir à quel point on a empiré la chose avec un Woody Harrelson cabotin qui n’arrive aucunement à donner naissance à un personnage pourtant aussi important.
Si Ruben Fleischer a cédé sa place, c’est pourtant une drôle de décision pour le grand manitou des captures de mouvements qu’est Andy Serkis d’avoir choisi ce projet pour sa nouvelle réalisation. Surtout que dans ce grand spectacle d’effets spéciaux, aucun n’arrive vraiment à satisfaire le regard dans cet enchaînement grotesque d’horreurs véritables tellement tout ce qui se manifeste sous nos yeux est affreux. De quoi rappeler les échecs technologiques du plus récent Hellboy, alors que les métamorphoses de Harrelson en Carnage donnent simplement l’impression qu’il se vomit lui-même.
On réalise aussi que le talent réuni non seulement n’arrive pas à sauver l’entreprise, mais également se montre à son moins convaincant comme en fait foi la présence méconnaissable de la pourtant excellente Naomie Harris ou même du brillant compositeur Marco Beltrami (trop souvent utilisé dans des daubes toutefois) qu’on reconnaît surtout dans une jolie pièce cachée dans le générique de fin entre deux hilarantes chansons « remixées » à la sauce Venom. Difficile de croire que les images viennent de Robert Richardson, collaborateur régulier de Tarantino qui a aussi prêté son talent à Scorsese et Oliver Stone notamment. De retour, Michelle Williams continue de se demander ce qu’elle fait par ailleurs.
Venom: Let There Be Carnage est donc un foutoir aussi indescriptible que son prédécesseur, ce qui respecte à sa manière le style qu’on avait mis de l’avant et qui devrait encore ravir ceux qui y avaient trouvé leur compte. Pour les autres c’est une insulte sur pratiquement tous les fronts faisant questionner comment ce genre de trucs peut arriver à rassembler les foules dans les salles sombres. On se réjouit au moins de la scène cachée qui semble promettre de grandes choses pour le mois de décembre.
3/10
Venom : Let There Be Carnage prend l’affiche en salles ce vendredi 1er octobre.