Tron: Ares arrive quatre décennies après le premier Tron, qui a créé toute une commotion dans le septième art, en matière de technologie, mais aussi quinze ans après sa suite inattendue au succès modeste.
Ce nouveau film, donc, représente un coup de dés singulier de la part de Disney, l’entreprise semblant espérer une fois de plus faire de cette franchise quelque chose de lucratif, les nombreuses portes ouvertes pour des suites semblant pointer en cette direction. Reste à voir si ce chapitre compétent, mais plutôt ennuyant, saura enthousiasmer les spectateurs pour autre chose que sa trépidante trame sonore signée Nine Inch Nails.
L’une des dernières fois qu’on a vu l’actrice Greta Lee au grand écran, elle devait affronter le passé, le présent et statuer où son coeur trouvait son équilibre dans le Past Lives de Celine Song. La voilà désormais projetée dans un contexte futuriste, mais aux prises avec des dilemmes étonnamment similaires, devant tracer sa voie dans un avenir proche où le passé n’a pas dit son dernier mot.
Sauf que le passé tarde avant de se présenter, tout comme l’attendu Jeff Bridges sous les traits de Kevin Flynn, qui aura heureusement droit à sa scène visuellement jouissive.
De fait, mis à part plusieurs références directes et une introduction qui résume les lignes principales des deux premiers volets, ce chapitre fait tellement chambre à part qu’on se demande régulièrement s’il s’inscrit véritablement dans la franchise Tron.
Bien sûr, on reconnaît les inspirations des véhicules, les lasers et autres, mais plusieurs de ses clins d’oeil, la pluie principalement, semblent aussi tâter le terrain des Matrix des Wachowski, référence essentielle de la représentation informatique à l’écran.

Il faut se dire aussi que le nouveau réalisateur à la barre, le norvégien Joachim Rønning, n’est pas l’esthète qu’est Joseph Kosinski et bien que ce dernier soit crédité quelque part dans la production, que la nouvelle vision s’intéresse davantage à notre univers au monde informatique. On se doute aussi que le cinéaste derrière Kon-Tiki s’est assuré d’y ajouter des scènes aquatiques.
Sauf que comme c’était le cas avec son propre Pirates of the Caribbean, où tout en renouant avec son partenaire de création Espen Sandberg, il ne parvenait pas à reprendre les rênes de l’éclaté Gore Verbinski, il se montre tout aussi incertain en solo à pouvoir raviver l’intérêt d’une franchise dont on croyait avoir épuisé le potentiel, comme en faisant foi sa suite pour Maleficient.
Un malaise nous saisi aussi de faire face à de l’Intelligence Artificielle qui se remet en doute et désire devenir humain. D’offrir un récit qui semble prendre le parti de la machine plutôt que des humains, dont la majorité est assoiffée d’un pouvoir qu’elle ne peut contrôler.
Vous l’aurez ainsi deviné, les lignes du scénario seront principalement minces et il ne faudra pas s’attendre à y découvrir un développement très poussé de tous les dilemmes éthiques et moraux qui entourent les avancées de la technologie.

On savourera quand même l’ajout fort ironique de ce questionnement sur la pertinence de toujours raviver le passé, surtout pour des gains monétaires. Tiens, tiens…
Sauf qu’à l’image du directeur photo Jeff Cronenweth qui a travaillé majoritairement pour des vidéoclips, il s’agit surtout d’un immense terrain de jeu pour Trent Reznor et Atticus Ross, crédités pour la première fois au cinéma sous leur nom de groupe à la demande de Disney, eux qui avaient aussi croisé la route de Cronenweth pour deux longs-métrages de David Fincher.
Reprenant le flambeau des mains de Daft Punk, qui avait livré l’électrisante trame sonore pour Tron: Legacy, s’assurant à la fois d’un cameo de personnages et de leur première implication à titre de producteur exécutif, tout porte à croire qu’il s’agirait au final de leur film plutôt que du reste, leurs compositions imposant le tempo par moment irrésistible des deux heures autrement quelque peu fades de la production.
En mode plutôt zen après plusieurs échecs consécutifs, de son Joker avorté à Morbius, Jared Leto, agissant aussi à titre de producteur, redore un peu sa carrière, mais les acteurs sont aussi accessoires ici que la présence de Gillian Anderson. De leur côté, Evan Peters et Jodie Turner-Smith font du mieux qu’ils peuvent pour nuancer leurs personnages de vilains, pendant que Hasan Minhaj se fait voler la vedette par Arturo Castro comme bouffon de service.
Il faut admettre que le rythme est incertain, les enjeux plus au moins prenants et l’intérêt souvent vacillant, parce que le montage alterne trop souvent de personnage en personnage. Ce procédé plutôt télévisuel qui espère, on suppose, susciter une certaine tension avec ces nombreuses courses contre la montre pour illustrer ce temps régulièrement compté, dilue au contraire plusieurs des scènes qui auraient été réussies autrement. D’autant plus qu’aucune des poursuites ou des séquences d’action ne rivalisent avec celles en arène de Tron: Legacy.
Tron: Ares est donc pleinement inutile, mais divertissant à ses heures. Ravivant finalement les liens avec ses prédécesseurs au dernier tournant, on se surprend presque d’être piqué par l’envie de savoir où l’on voudra mener l’aventure. Au reste, on remettra la trame sonore de NIN dans nos oreilles.
6/10
Tron: Ares prend l’affiche en salle ce vendredi 10 octobre.