Voilà trois quarts de siècle que la bombe ultime, l’arme atomique, s’est frayé un chemin jusque sur nos écrans, les petits comme les grands. Et pour l’occasion, Alain Vézina, professeur de cinéma, propose L’écran de l’apocalypse, un regard sur ces oeuvres qui mettent en scène cet objet pouvant aisément provoquer la fin du monde.

Ce qu’il faut d’abord savoir, d’ailleurs, c’est qu’il y a arme nucléaire et arme nucléaire: celle qui, en forte infériorité numérique dans les annales culturelles, sert à la paix, en permettant notamment de combattre des monstres ou d’empêcher des catastrophes.
Mais il y a aussi – et surtout – celle qui annonce la fin de toute chose, la chute de notre civilisation, le grand effondrement dans le feu, la mort et les radiations. Et puisque l’humanité est largement friande d’histoires terrifiantes, surtout dans le contexte des décennies de guerre froide entre Washington et Moscou, l’histoire cinématographique et télévisuelle est parsemée d’oeuvres évoquant une possible guerre atomique, que ce soit entre l’Est et l’Ouest, ou encore contre une puissance tierce, voire des envahisseurs extraterrestres.
Armé d’un savoir-faire cinématographie et télévisuel impressionnant, et avec une capacité remarquable d’effectuer des mises en contexte pour catégoriser divers courants et types d’oeuvres, M. Vézina nous entraîne sur les chemins de la dénonciation, de la dystopie, de l’allégorie… On valse ainsi entre une docufiction terriblement réaliste et terrifiante, comme Threads, et, bien entendu, la vaste majorité de l’univers de Godzilla, le « roi des monstres » étant bien sûr né du traumatisme collectif du Japon, après le double bombardement nucléaire de 1945.
Ce que l’auteur de l’essai démontre également, c’est que si la crainte d’une guerre nucléaire est moins présente qu’avant 1991 – même si la Corée du Nord et un certain Vladimir Poutine nous rappellent régulièrement qu’il suffit d’un despote et d’une pression sur un bouton pour en finir –, l’effet de l’arme nucléaire sur la psyché collective, lui, n’a jamais vraiment disparu. À preuve, tous ces films d’espionnage et d’action où les méchants cherchent à lancer des missiles ou activer des ogives.
Mais la peur du nucléaire, c’est aussi la peur d’un phénomène difficilement compréhensible pour le commun des mortels. Surtout que la radioactivité est invisible, indolore jusqu’à ce que les effets secondaires se fassent sentir, tout en étant sournoise, pernicieuse, et souvent pérenne… Et des retombées de la guerre nucléaire à la peur de l’inconnu, en général, voire de l’extraterrestre, il n’y a qu’un pas que quantité de scénaristes et de réalisateurs continuent de franchir. Après tout, la science-fiction n’est bien souvent que la transposition des problèmes actuels dans un contexte futuriste.
Dans son essai, Alain Vézina l’explique très bien: voilà 75 ans que les peurs de l’humanité sont exprimées à travers le prisme du champignon atomique. Et ce phénomène n’est certainement pas près de s’estomper.
L’écran de l’apocalypse – L’angoisse nucléaire au cinéma, d’Alain Vézina, publié aux Presses de l’Université de Montréal, 236 pages