Indémodable Shakespeare, qui décortique la nature humaine et reste toujours d’actualité. Othello est la tragédie de la perversion. Une perversion incarnée par Iago – maléfique manipulateur, envieux, haineux et cynique –, mais avec l’indispensable complicité de son double, le naïf et crédule Othello…
Dans de beaux décors, avec escaliers et balcon comme sait le proposer le TNM, 15 artistes en costumes d’un passé intemporel se déploient sur la scène pour une représentation de la célèbre pièce Othello, impeccablement mise en scène par Didier Lucien.
Othello, c’est ce Maure de Venise qui a épousé Desdemone contre l’avis de son beau-père. Il est un fier et vaillant combattant, animé par la modestie, l’amour et la bonté. Mais une bonté qui se veut tellement bonne qu’elle ne différencie pas le bien du mal et se laisse complaisamment berner par son subalterne Iago. Le vrai couple pervers, qui détruira tout le monde, est celui d’Othello avec Iago, certes initié par les intrigues de Iago, mais dans lesquelles tous s’enfoncent comme dans du beurre.
Car Iago est un jaloux qui ne supporte pas la réussite des autres. Il n’espère que leur chute alors qu’il n’en tire aucun profit, sauf le sentiment d’une vengeance inutile et délétère. Il est la corruption incarnée et ne jouit que de la crédulité de son double innocent Othello.
Mais Othello est loin d’être innocent, alors qu’il aime finalement davantage Iago que ceux qui sont irréprochables, qui l’aiment réellement et qui lui sont fidèles. Les pervers, en effet, ne seraient rien sans ce genre de naïfs – et il y en a beaucoup – pour aller au bout de leurs méfaits.
La pièce n’est donc en rien joyeuse, mais elle donne beaucoup à réfléchir. Et pour alléger le propos, c’est un Iago ostensiblement cynique qui nous est présenté. Iago est presque amusant tant il révèle ouvertement dans ses propos la lâcheté, la débilité et l’aveuglement des autres.
Et pour ajouter de la respiration ou de l’intensité dramatique aux différents moments de la pièce, une très belle scénographie chorégraphiée avec chanteuse, acrobates, contorsionnistes et arts circassiens s’intègre et agrémente de manière réussie le spectacle.
Un funambule jongleur participe à une fête bien arrosée; des personnages marchent contre les lois de la gravité pour montrer la complaisance des naïfs; des acrobates voltigent dans les airs pour montrer une bataille, et des pas habilement chorégraphiés surviennent et ajoutent à l’émotion du texte. C’est une très belle réussite d’intégration discrète et nullement dissonante des arts du cirque dans cette pièce tragique.
La danse, la musique et les arts circassiens participent de plus en plus souvent à la mise en scène de spectacles de théâtre. Ici c’est plus qu’une illustration, c’est une participation intelligente qui contrebalance élégamment la noirceur de l’intrigue.
Othello
Texte : William Shakespeare
Adaptation : Jean Marc Dalpé
Mise en scène : Didier Lucien
Avec : Ariane Bellavance-Fafard, Thomas Boudreault-Côté, Jean-Marc Dalpe, Lyndz Dantiste, Normand Helms, Éric Leblanc, Valérie Le Maire, Myriam Lenfesty, Melissa Merlo, Rodley Pitt, Steven Lee Potvin, Emily Chilvers, Guillaume Fontaine, Key Nguyen et Daniel Stefek
Décor : Amélie Trépanier
Costumes : Jacinthe Perrault
Éclairages : Jean-François Labbé
Musique et environnement sonore : Alain Lucien
Coproduction : Théâtre du Trident et Théâtre du Nouveau Monde
Othello, du 6 au 31 mai 2025 au Théâtre du Nouveau Monde, à Montréal