Le festival du Jamais Lu, incubateur des mots en friche avant leur fixation sur papier, s’est ouvert le 2 mai dernier à son quartier général, le Théâtre aux Écuries. Jusqu’au 10 mai, la brigade d’auteurs et autrices laissera couler son encre et son geste scénique sous le thème de la 24e édition: S’aimer. Sans fin. La dernière ronde de Marcelle Dubois, cofondatrice du Jamais Lu. Parmi les moments forts, la mise à nu immigrante de Papy Maurice Mbwiti. Discussion.
Tant de questionnements fourmillent dans l’esprit de l’auteur arrivée de République démocratique du Congo à Montréal, il y a onze ans. L’interrogation s’inscrit comme signe d’exclamation à son texte « Les histoires de partir », mis sous les projecteurs mercredi 7 mai.
Qu’arrive-t-il lorsque l’on débarque sur une nouvelle terre? Comment se passe ce moment de nouveauté? Comment négocie-t-on son intégration ou non ? Comment se sent- on lorsque l’on est étranger, jusqu’à quel moment reste-t-on un étranger ?
Montréal devient son second port d’attache par un concours de circonstances. Entre soif de culture et littérature, et des raisons personnelles et politiques. Il se souvient à son arrivée, la question de la diversité alors sur toutes les langues. « La ville baigne dans le multiculturel, on se reconnaît dans la rue et le métro, par les saveurs et les cultures. Montréal est un espace croisement social rassurant », soulève Papy Maurice qui constate aussi que beaucoup reste à faire encore pour instaurer un vrai couloir de diversité. La télévision, par exemple, lui semble hors des réalités que vit toute personne immigrante.
Son histoire est le point de départ de son inspiration. 11 années de quête de soi à l’autre dans un pays à des kilomètres de son Afrique centrale. Et puis ce qu’il appelle la démultiplication, le vécu de plusieurs personnes qui ont emprunté le même mouvement que le sien. « J’ai écrit dès mon arrivée pour capter tous les moments de nouveautés, les garder en moi et voir l’évolution de mon rapport à la société d’ici. Mes terres d’accueil », relate-t-il, rappelant qu’après 10 ans, tout immigrant se métamorphose en celui qui accueille. En tant qu’artiste et auteur voguant entre rêve et révolte, Papy Maurice questionne le monde, évitant de tomber dans le piège : être comme tout le monde. Sa posture de marginalité le retient du poids la routine.
Où va l’auteur, lui qui a aussi parcouru l’Europe, l’Allemagne, la Belgique et la France à travers plusieurs résidences de création? Il évoque un effet de « schizophrénie permanente ». La problématique? Encaisser les secousses d’un esprit constamment comparatif, entre ici et là-bas. Révolté face à la situation tragique de sa RDC, il aimerait tant avoir un esprit divin, et se trouver à Montréal et Kinshasa. Impossible de n sortir son pays natal de lui, son corps et sa terre.
Bravant la docilité de la permanence, Papy Maurice Mbwiti se revendique « artiste tranchant ». Pas question pour lui de devenir une cuillère! Sa survie repose sur la poésie pour rendre la vie moins banale.
24e Festival Jamais Lu (2 au 10 mai) au Théâtre aux Écuries
Les histoires de partir (mercredi 7 mai à 20h) : https://jamaislu.com/projets/24e-festival-jamais-lu-montreal/les-histoires-de-partir