Face aux douleurs chroniques, l’écoute empathique du personnel de la santé n’est pas toujours au rendez-vous, relève une récente étude québécoise.
Malgré la nécessité de centrer les services sur les personnes, les besoins perçus par les experts et ceux exprimés par les patients diffèrent souvent, écrivent ces chercheurs de plusieurs institutions québécoises qui ont chapeauté le titre de leur étude de la phrase-clé « Comment puis-je vous aider? »
« Ce sont des personnes vivant avec beaucoup de douleurs et avec des enjeux particuliers. Ce qui nous a guidé, c’est l’impression que nous ne sommes pas toujours capables de bien répondre à ces besoins et aux divers impacts occasionnés par la douleur, que ces impacts soient émotionnels, sociaux ou autres », soutient le candidat au doctorat en sciences de la réadaptation à l’Université de Montréal et auteur principal, Jonathan Gervais-Hupé.
L’équipe a réalisé une revue de la littérature scientifique, pour cerner les différents services de physiothérapie offerts aux personnes endolories, en fonction des demandes exprimées par celles-ci et des besoins évalués par l’équipe de soins.
La douleur chronique est définie comme un mal qui dure depuis au moins trois mois. Ce mal ne suivrait pas l’évolution de la blessure ou de la pathologie – et donc sa guérison, qui amènerait normalement la disparition de la douleur – et peut prendre des formes multiples (musculo-squelettique, neurologique, etc.), suivant les régions du corps atteintes.
Ainsi, un AVC peut laisser la personne avec de fortes migraines récurrentes; un accident peut engendrer une fragilité dans la mobilité, parce que certains mouvements viennent avec des douleurs à certains moments de la journée. « C’est très diversifié » et il en résulte un impact direct sur la qualité de vie de la personne, « parce qu’il n’y pas de réponse ni d’évolution au traitement et aux soins », note le chercheur.
Pour répondre aux besoins des patients, il faut donc au départ chercher à les comprendre, en partant de ce qu’ils témoignent sur la façon dont ils vivent leur situation. Et dans la liste des besoins exprimés, on retrouve l’importance d’une relation empathique, d’un programme d’exercices supervisés qui soit adapté, clair et personnalisé.
Le « bon » physiothérapeute
Les chercheurs voulaient non pas cerner les bons soins à donner, mais plutôt voir si les besoins identifiés résultaient des malades ou des professionnels.
Car il n’y a pas de protocole de physiothérapie pour ces patients, relève M. Gervais-Hupé: « il n’y a pas une recette. Ce sont généralement des soins personnalisés qui passent par la collaboration entre le professionnel et son patient, dans le but d’adapter le quotidien de celui-ci ».
Parmi les services offerts, on dénombre des exercices et des thérapies manuelles (comme le massage), de l’éducation et des conseils, ainsi que de l’apprentissage à l’autogestion de la douleur.
« Il faut être à l’écoute mais aussi prendre le temps de s’intéresser aux besoins propres aux personnes, faire de la place pour l’expression et impliquer les patients dans les études. Plus on va leur faire une place, plus ils vont se porter mieux », pense le jeune chercheur.
Qui plus est, les personnes avec douleur chronique vivent souvent plusieurs inégalités en matière de santé. Leurs besoins s’en ressentent donc.
« Nos résultats soulignent l’importance de l’écoute et de la collaboration avec le patient pour tenter d’améliorer son quotidien. Les patients doivent se sentir écoutés et considérés comme des humains, pas comme des numéros. »
Il note ainsi la contribution essentielle de deux patientes partenaires, impliquées depuis le début dans l’équipe de recherche, représentant deux associations québécoises de personnes souffrant de douleurs chroniques. Elles sont cosignataires de l’étude. « Leur participation a été très importante afin de pouvoir se rapprocher de la réalité des personnes qui souffrent », ajoute-t-il.
Des résultats utiles
Il s’agit d’un article pertinent et bien conduit, dont les résultats pourront être utiles, commente la professeure titulaire de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval, Line Guénette, qui n’a pas participé à cette recherche.
Elle note positivement cet ajout à l’équipe de recherche de ces deux personnes avec une expérience de la douleur chronique et des services de physiothérapie, ainsi que le fait qu’elles « aient été impliquées dans tout le processus ».
Celle qui est également chercheuse à l’Axe Santé des populations et pratiques optimales en santé au Centre de recherche du CHU de Québec, relève de nombreux points forts: « comme une solide recherche dans quatre bases de données et dans la littérature grise » — c’est-à-dire l’ensemble des documents qui n’a pas fait l’objet d’une publication formelle dans une revue scientifique. Les auteurs ont fait une analyse thématique des articles pour bien identifier les besoins des patients inclus dans ces études et leurs résultats sont détaillés et bien référencés. Leur classification selon les diverses dimensions aide à bien comprendre les résultats. »
Son bémol est que le modèle utilisé pour classer les besoins en ces diverses dimensions peut limiter à l’occasion l’interprétation des résultats: peut-être que le manque de résultats sur certains aspects « reflète moins les besoins des patients, mais plutôt les besoins perçus des soignants », mentionne l’experte.