À la croisée des chemins, après un seul détour humoristique qui a pu remplir les coffres de la maison l’an dernier, Marvel revient aux choses sérieuses avec son nouvel effort. Sauf que le bateau étant en péril, ce Captain America: Brave New World essaie de faire tout ce qui est possible pour sauver les meubles, en demeurant malgré tout une proposition sécurisante. Malheureusement, cela empêche le tout de s’avérer convainquant.
Dans l’eau chaude depuis des lustres et semblant vouée à multiplier les controverses, cette quatrième entrée dans l’univers du superhéros Captain America est la première tentative du MCU d’essayer de voir s’il est possible de susciter encore l’intérêt des fans et du public, même si la tête d’affiche a changé. Si l’on oublie, bien sûr, le cas Black Panther: Wakanda Forever, qui devait faire le deuil de son acteur principal.
Cas particulier, le film qui nous intéresse a dû aussi faire des choix face au décès de William Hurt, qui avait campé le rôle de Thaddeus Ross par le passé. On s’est quand même fait plaisir en allant chercher nul autre que le grand Harrison Ford, lui permettant de jouer à nouveau les présidents américains, plusieurs décennies après Air Force One. Un choix tout désigné, il va s’en dire. Surtout qu’à en croire les campagnes promo et son investissement émotionnel durant le long-métrage, l’acteur vétéran a beaucoup de plaisir à faire partie du projet.
Avec un oeuvre rangée du côté de la division plus sérieuse des films de l’écurie (c’est après tout le superhéros le plus politique, qu’on le veuille ou non), on retourne à la formule des complots. Adepte des zones grises, le choix de Julius Onah à la réalisation étant loin d’être inintéressant, lui qui avait fait tout exploser avec le brillant Luce. Et il se montre certainement plus à l’aise avec une grosse production, ici, qu’avec The Cloverfield Paradox.
Ironiquement, puisqu’il maîtrise bien la psychologie des personnages et la proximité via ceux-ci, c’est quand le film n’essaie pas d’être ni un Marvel ni un film de superhéros qu’il réussit le mieux. Sa première demi-heure, qui donne dans le thriller politique est captivante et fait taire les mauvaises rumeurs et les mauvaises pubs qui entouraient la production.

Malheureusement, d’essayer de continuellement ramener l’ensemble à Marvel, aux superhéros et à essayer de rapiécer des fils très minces avec d’autres films force le tout à niveler vers le bas. Certes, comme l’avenir des studios est loin d’être clair, il demeure louable d’avoir voulu se tourner vers le passé. Par contre, l’exécution est laborieuse, surtout en essayant de déterrer un film qui, 17 ans plus tôt, n’intéressait déjà personne.
Et bien que l’écoute est fluide, quoique jamais particulièrement engageante, on sent régulièrement toutes les tentatives de s’assurer que le film soit le plus présentable et gagnant possible. C’est plutôt l’inverse qui se produit alors qu’on perd une vision clair du projet, on se mélange dans les différences de tons (l’humour ne fonctionne jamais) et on perd intérêt en l’histoire au fur et à mesure que le tout avance vers son inévitable conclusion dénuée de toutes surprises, car on en a déjà fait toutes les révélations dans les publicités.
D’autant plus que le méchant de service manque de panache (bien que le jeu consistant à découvrir qui tire les ficelles et qui est la véritable menace était un filon intéressant) et que les motifs de vengeance, on en a soupé énormément, déjà.
C’est dommage, car les dialogues risibles débités avec grand sérieux, les scènes d’action plus cartoonesques que crédibles et le côté inévitablement popcorn de l’entreprise auraient pu faire le boulot. On se retrouve toutefois avec un commentaire politique obligé, peu subtil, mais jamais clair, puisqu’on essaie de s’empêcher de se ranger d’un côté ou de l’autre. Mais pour cela, face au climat politique actuel, on comprend quand même le studio d’avoir agi de la sorte.
Si, au moins, le changement de titre – qui n’a rien à voir avec le roman du même nom, avait pu servir à quelque chose. C’est avoir trop d’espoir en ce projet qui ne semble même pas vraiment croire en lui-même, comme il ne se dirige pas vraiment, non plus, vers quelque chose de précis. Le côté frileux des studios pourrait d’ailleurs difficilement être plus évident qu’avec la scène post-générique, vague au possible, qui semble seulement présente pour satisfaire les fans avec le minimum syndical, histoire de ne pas se faire avoir, cette fois.
6/10
Captain America: Brave New World prend l’affiche en salle pour la Saint-Valentin.