De façon surprenante, le constat n’étonne guère: une récente étude menée au sein de l’Université du Michigan révèle qu’entre prendre le transport collectif et les services de transport à la carte (Uber, Lyft, etc.), les citoyens préféreront l’option qui leur coûtera moins cher en termes de temps « perdu dans le trafic ».
Ainsi, la valeur médiane de ce temps perdu, selon ces participants provenant de Chicago, est évaluée à 34 $ US par heure.
Il s’agit du même montant que le salaire horaire médian dans la Ville des vents.
« J’ai été un peu surpris du fait que notre estimation médiane se rapproche autant du salaire moyen de la région de Chicago », indique ainsi Parth Vaishnav, professeur adjoint et l’un des responsables de l’étude.
« Le voyageur moyen semble jauger la valeur de son temps de façon raisonnable. En fait, de prime abord, les gens semblent se comporter de la façon à laquelle nous nous attendions. »
Ainsi, le citoyen moyen serait davantage tenté par Uber, Lyft et consorts si son déplacement lui prend moins d’une heure… et lui coûte moins de 34 $ US.
L’équipe de recherche a souhaité obtenir un portrait plus complet de la situation, et ainsi savoir ce qui mènerait les citoyens à se tourner davantage vers des options plus « vertes ». Si, disent les chercheurs, l’électrification des véhicules et de nouvelles taxes sur la congestion, notamment dans les centre-villes, pourraient mitiger les impacts délétères d’Uber et autres taxis, les gains les plus importants se trouveraient du côté de l’amélioration de l’utilisation du transport collectif.
« Si nous pouvons rendre le transport en commun plus accessible, nous pourrions avoir un impact majeur », renchérit Miki Tsuchiya, principal auteur de l’étude.
La taxation indirecte pour réduire le trafic?
Toujours dans le cadre de l’étude, les chercheurs ont analysé plus de 200 000 déplacements effectués à Chicago à l’aide d’Uber et d’autres services du même genre.
Les trois scientifiques ont ainsi calculé comment le coût et la durée de chacune de ces courses se comparaient à l’utilisation du transport collectif pour effectuer le même déplacement.
À partir de ces informations, il a été possible d’ajouter un prix au temps épargné par les citoyens ayant préféré Uber et autres.
Par ailleurs, les chercheurs ont aussi tenu compte de facteurs tels que la pollution de l’air, la congestion, les risques d’accident et et les émissions de GES associés aux modes de transport.
L’équipe a donc découvert que tenir compte de tous ces facteurs ne ferait qu’augmenter légèrement la valeur que les gens devraient accorder à leur temps pour continuer de choisir la voiture, plutôt que l’autobus, le train ou le métro. En fait, la valeur médiane passerait de 34 à 37 $ US par heure.
« Si vous taxiez les citoyens en fonction des dégâts qu’ils provoquent, il n’est pas clair qu’ils se comporteraient de façon différente », reconnaît M. Vaishnav.
De la place à amélioration
S’il serait possible de réduire la congestion en mettant en place des taxes sur les véhicules circulant dans le centre-ville des grandes agglomérations, comme c’est déjà le cas à Chicago et New York, entre autres, les progrès les plus importants se trouvent ailleurs, jugent les chercheurs.
Ainsi, électrifier la flotte de véhicules appartenant aux compagnies de voitures de transport avec chauffeur réduirait largement leurs émissions polluantes et ramènerait à peu près celles-ci au niveau de la pollution des réseaux de transport collectif, dit-on.
En excluant les trajets effectués en dehors des heures d’activité des transports publics, l’équipe de recherche a constaté que 99% des déplacements en voitures auraient pu être effectués via une combinaison de trajets en autobus et en train, à Chicago.
Et donc, la quasi-totalité des utilisateurs d’Uber et de Lyft se rendaient à des endroits déjà desservis par le transport collectif.
« J’ai été surpris par ce résultat, mais j’ai été tout aussi surpris du fait qu’au moment de l’étude, les autobus et trains de Chicago étaient si peu bondés, à environ 20% de leur capacité », indique le Pr Tsuchiya.
« Il faut voir ça sous l’angle d’un gigantesque potentiel. »
Et pour développer ledit potentiel, le chercheur juge qu’il faut rendre le transport collectif plus efficace. « Bien souvent, on consacre beaucoup de temps à se rendre à un arrêt et à attendre », déplore-t-il.
Mais pour adopter des politiques publiques permettant d’accroître l’efficacité des réseaux de transport, il faut des données, plaide le chercheur.
« Nous n’avons pas encore suffisamment d’informations! »