En Alberta, le rapport d’un groupe de travail sur la COVID qui avait été mandaté par le gouvernement conservateur est sévèrement critiqué pour son usage laxiste des sources d’information et ses conclusions « douteuses ».
Dans une lettre ouverte publiée le 29 janvier, plus de 65 experts en maladies infectieuses, virus, immunologie, médecine d’urgence et autres spécialités, s’entendent pour reprocher au groupe de travail d’avoir « mal représenté la somme des preuves relatives aux risques des vaccins et au ratio risque-bénéfice ». Ils accusent aussi les auteurs du groupe de travail d’avoir été « sélectifs » quant aux données qu’ils ont choisi de retenir.
Le rapport en question avait été discrètement mis en ligne vendredi après-midi, le 24 janvier, sans que le gouvernement albertain n’ait jugé bon de l’annoncer. C’est pourtant le gouvernement albertain de Danielle Smith, peu après son arrivée au pouvoir en 2022, qui avait commandé ce rapport, dans le but d’analyser, selon le justificatif d’alors, « comment les données avaient été recueillies et utilisées dans le cadre de la réponse à la COVID ».
Des recommandations à l’encontre de la science
Parmi ses conclusions, le groupe de travail recommande de mettre fin à toute vaccination contre la COVID, tant qu’il n’y aura pas ce qu’ils appellent une « complète transparence » quant aux risques. Il n’est pas spécifié ce que serait une complète transparence, puisque les données sur les risques et bénéfices sont publiques.
Le rapport recommande aussi des changements législatifs qui permettraient aux médecins de prescrire, en cas de future épidémie, des « traitements alternatifs ». On donne en exemple l’ivermectine et l’hydroxychloroquine —deux médicaments qui ont pourtant fait l’objet, pendant la COVID, de plusieurs dizaines d’études qui ont conclu à leur inefficacité contre le virus SRAS-CoV-2.
La personne qui avait été choisie par la première ministre pour présider ce groupe de travail, Gary Davidson, avait en 2021 accusé le précédent gouvernement albertain d’avoir « manipulé » les statistiques d’hospitalisations dans le but de justifier les mesures de santé publique contre la COVID. Le rapport ne fournit toutefois aucune donnée pour étayer cette accusation. La première ministre avait justifié le choix de ce président en invoquant qu’une « perspective contradictoire » était nécessaire. Interrogée le 29 janvier sur la controverse entourant le rapport, Danielle Smith a déclaré qu’elle voulait que « toutes les voix soient entendues ».
Outre les 67 co-signataires de la lettre, l’Association médicale albertaine et l’Association médicale canadienne ont tour à tour dénoncé les failles du rapport et l’ont qualifié « d’antiscience », s’inquiétant du message trompeur qu’il envoyait au public.
Les données scientifiques qui ont continué d’être récoltées sur les vaccins contre la COVID ces quatre dernières années continuent de montrer leur efficacité pour réduire les risques d’hospitalisation et de décès, même si cette efficacité n’est pas aussi élevée que ce qui avait été espéré au début de la pandémie. Quant aux risques d’effets secondaires, ils sont connus et clairement affichés.
À l’inverse, les données ont également continué de s’accumuler sur les risques causés par la COVID elle-même, y compris les risques de COVID longue. En fait, rappelle la lettre ouverte, les risques d’effets secondaires à cause des vaccins sont « beaucoup moins élevés que les risques de complications causées par une infection au SRAS-CoV-2 ».
Des signataires au parcours douteux
Un des 13 co-signataires du rapport, le professeur de médecine à l’Université de Calgary John Conly, a demandé à ce que sa signature soit retirée. Une nouvelle version du rapport a été mise en ligne mardi, 28 janvier, avec cette signature en moins.
Un autre co-signataire, Byram Bridle, professeur au Collège vétérinaire de l’Université de Guelph (Ontario), est devenu pendant la pandémie un habitué des mouvements antivaccins, avec ses affirmations à l’effet que les vaccins contenaient des « toxines ».
Un troisième co-signataire, Jay Bhattacharya, est un médecin et économiste américain, qui s’est fait connaître au début de la COVID pour avoir lancé avec deux collègues la Déclaration de Great Barrington, qui en appelait à la fin des mesures sanitaires et à son remplacement par une course à « l’immunité collective ». Bhattacharya a été choisi par Donald Trump pour diriger le principal organisme subventionnaire de la santé aux États-Unis, le NIH.
Un quatrième signataire, Mark Bell, se présente comme un entrepreneur en énergie et un cinquième, Frank Byl, comme consultant technique pour les plateformes de Microsoft. Un autre signataire, David Speicher, qui se présente comme « chercheur associé » à l’Université de Guelph, mais en recherche d’emploi sur sa page Linkedin, est candidat aux élections pour le Parti populaire canadien, tandis que deux autres, Davidson et l’avocate Angela Wood, ont été candidats pour le parti conservateur albertain.