Auréolé d’une rumeur plus que favorable et d’un prix d’interprétation grandement mérité à Nicole Kidman dans le cadre de la plus récente édition de la Mostra de Venise, ce captivant et envoûtant Babygirl est assuré de multiplier les discussions avec ses sujets risqués, mais franchement bien développés de façon plus qu’intelligente.
Retournant à une prémisse à laquelle elle semble avoir touché dans son premier long-métrage Instinct, continuant à explorer les zones grises défrichées dans son Bodies Bodies Bodies, l’actrice devenue cinéaste Halina Reijn poursuit sa réflexion sur le choc des générations avec une oeuvre d’une modernité et d’une maturité impressionnantes.
De fait, au-delà des tabous, des controverses et des idées préconçues, sa proposition va bien au-delà de la complexité très texturée qu’elle met de l’avant, en mettant en scène, avec sa protagoniste Romy, une femme d’affaires forte dont l’appétit sexuel n’est pas satisfait.
Par le biais d’un jeune stagiaire qui semble cerner ses pulsions et ses désirs mieux que quiconque, elle s’ouvre à un monde dont elle rêve depuis longtemps, aussi dangereux et mystérieux puisse-t-il être.
Loin d’un simple 50 Shades of Grey sur les dynamiques de pouvoir ou d’un récit d’adultère, le film parle surtout d’émancipation, ce qui relève d’une audace plus qu’admirable.
C’est le fait de voir les choses sous cet angle, de souhaiter creuser ce qui peut pousser quelqu’un de raisonnable à vouloir se placer dans des positions fâcheuses qui rend l’exercice aussi pertinent. De ne pas entièrement voir le tout comme des déviances à condamner, mais bien comme un discours sur l’importance de ne pas sous-estimer la frustration sexuelle qui peut vite envenimer tout le reste. Et ce, sans en délaisser les conséquences qui peuvent survenir au passage.
La cinéaste peut d’ailleurs compter sur une autre performance de haut calibre de la part de la grande Nicole Kidman, qui se montre encore particulièrement investie, corps et âme, dans un rôle aux nuances aussi complexes que pas toujours faciles à transmettre, ce qu’elle parvient à faire haut la main.
On se retrouve alors avec un récit classique qu’on se met doucement à dépoussiérer, pour l’ancrer dans un discours très transgressif qui pourrait élargir les mentalités et montrer une autre réalité que celle qu’on s’évertue à transmettre d’année en année.
Bien sûr, toujours à cheval sur les principes moraux, certaines avenues ou dénouements ne seront pas entièrement convaincants, alors qu’on essaiera peut-être un peu trop de culpabiliser notre femme qui n’agit pas comme l’exige les clichés associés à sa représentation du succès.
Ces quelques dérives ne cadrent pas toujours avec l’ensemble, qui garde presque continuellement le cap sur notre personnage principal et sur ses envies, en essayant d’éviter les jugements faciles, sauf qu’il y a de quoi laisser passer ces errements, tellement l’assurance déployée tout du long est convaincante.
Au gré d’une mise en scène léchée et habilement calculée, taillée au couteau par le montage de Matthew Hannam, ponctuée par les compositions sensuelles du Montréalais Cristobal Tapia de Veer, la température monte aisément.
Il faut dire que la chimie de Kidman avec le toujours magnétique Harris Dickinson fait des flammèches. Le duo improbable franchit de nouvelles zones rarement exploitées, ou du moins de cette manière, et donne droit à des moments d’anthologie. On pense notamment à la séquence sur la chanson Father Figure, de George Michael.
Banderas, toujours savoureux lorsqu’il a du plaisir et un lâcher-prise, comme c’était le cas dans Ruby Sparks ou Journey to Bethlehem parmi tant d’autres, complète aussi très bien la distribution, qui ne fait jamais ombrage au duo dont il est impossible de détourner le regard.
Babygirl est ainsi palpitant. Une oeuvre forte qui provoque, mais pour mieux repenser comment on perçoit les gens et ce qui est acceptable, ou inacceptable. Hantant de bout en bout, on en ressort aussi excité que la tête remplie d’idées.
8/10
Babygirl prend l’affiche en salle le jour de Noël.